Depuis vingt ans, la piquante quadragénaire blonde à la frange de Jeanne d’Arc fait figure d’égérie de la nouvelle littérature norvégienne. Souvent critiquée pour son franc-parler, sa verdeur et sa modernité tranchent au pays des sagas historico-familiales. C’est que Hanne Orstavik s’empare de tous les thèmes de société avec audace et succès: relations de couple, relations familiales, place de la religion et de la morale, sexualité. En 2000, on l’a découverte en français avec Un amour sous clef, un thriller psychologique qui racontait comment une jeune fille découvre un matin qu’elle est enfermée dans sa chambre, le jour de son départ pour les Etats-Unis avec son petit ami. Seule sa mère peut l’avoir enfermée…
Dans Place ouverte à Bordeaux, elle suit quelques jours de la vie d’une plasticienne norvégienne invitée à Bordeaux pour monter une exposition et qui attend en vain la venue de son amant Johannes, qui est critique d’art. Elle est tombée amoureuse d’un de ses textes avant de le contacter et d’entamer une relation érotique et amoureuse étrange, frustrante. Si Johannes prend toute la place dans sa vie à elle, l’occupe entièrement, obsédant ses jours et ses nuits, ce n’est pas le cas pour lui, qui cultive laconisme et distance, l’utilisant comme objet sexuel sans lui manifester ses sentiments.
A Bordeaux, loin de lui, tout en terminant son installation d’art, la narratrice tente de se libérer de son emprise, vivant à son tour d’autres histoires érotiques, ou regardant les autres en vivre. Livre complexe, à vif, sinueux, mélancolique et attachant, Place ouverte à Bordeaux offre une réflexion sur l’art contemporain autant que sur l’amour physique. La liberté et l’ouverture d’esprit dont fait preuve l’héroïne ne l’empêchent pas de souffrir, incapable de se protéger de ce qu’elle ne peut avoir.
«Place ouverte à Bordeaux». De Hanne Orstavik.
Ed. Noir sur Blanc/Notabilia, 240 p.