Le quatuor lausannois tisse une relation particulière avec Brahms. L’an passé, dans le cadre des manifestations en l’honneur de ses 30 ans d’existence, il lui consacrait un festival entier, dans de vieux grands hôtels magnifiques de Glion, Adelboden et Sils-Maria, écrins d’intimité et d’élégance en accord avec une musique expressive composée sous l’emprise de la nature, de sa beauté, mais aussi de son âpreté et de ses variations impétueuses ou inquiétantes.
Débutée il y a dix ans, l’intégrale discographique de la musique pour cordes de Brahms se conclut aujourd’hui par les deux Sextuors pour lesquels Sine Nomine s’est adjoint l’altiste Nicolas Pache, membre fondateur qui fit partie de l’ensemble pendant plus de vingt ans, et le violoncelliste François Guye, qui est lui aussi un fidèle compagnon de route. Les deux musiciens partagent la même esthétique que Sine Nomine, une même culture des sonorités et le goût pour la clarté des lignes musicales.
L’intensité est présente mais sans rien de pesant qui vienne l’encombrer. Ces Sextuors de Brahms sont des confidences sur un cheminement amoureux, comme l’évoque la Carte de Tendre reproduite sur la couverture du disque, allusion aux forts liens qui unissaient le compositeur à Clara Schumann puis à Agathe von Siebold. Mais ils sont aussi et surtout des expérimentations polyphoniques que Brahms osait concevoir et dessiner, en marge et en préambule à ses œuvres orchestrales. A l’écoute des Sextuors, on est certes au cœur musical du XIXe siècle, mais on touche aussi aux limites, habilement contournées et dépassées, des frontières tonales. La manière délicate et déterminée avec laquelle les interprètes passent d’un climat à un autre rend magnifiquement le relief de ces pages où se bousculent, se répondent, se succèdent des moments d’errance, de certitude, d’enthousiasme, de doute, d’entre-deux.
«Brahms String Sextets». Claves.