La solitude comme une arme et un refuge, un espace de liberté et de créativité infinie et, finalement, une conquête: la trajectoire de Tedi Papavrami, 43 ans, illustre cet affranchissement colossal qui a permis à l’enfant prodige exilé en France, objet de pressions et de répressions de la part de son pays d’origine, l’Albanie, de devenir un musicien complet, un interprète d’univers qui dépassent allègrement le seul violon. Parallèlement à sa carrière de concertiste, Tedi Papavrami se construit – et enregistre – un répertoire où l’instrument dépasse ses limites, s’impose à la fois dans sa totale solitude et sa complète maîtrise, y compris de la polyphonie. Ainsi le musicien s’est approprié, en les transcrivant, les Fantaisies et fugues pour orgue de Bach, quatre cordes et un archet rendant les couches de cette densité dans une lecture claire et surtout passionnée. Autre dépassement, celui qui l’a amené à devenir le traducteur d’Ismaïl Kadaré, écrivain au parcours d’exil qui ressemble tellement au sien.
Dans son autobiographie, Fugue pour violon seul (parue en 2013 chez Robert Laffont), Tedi Papavrami livre des clés à sa démarche artistique d’une forte exigence, jamais vaniteuse mais déterminée. Il est parvenu à transformer sa solitude en faculté d’accéder à d’autres mondes, d’autres lieux, d’autres temps. Tandis qu’il endossait sa responsabilité de jeune artiste et, plus grave, sa culpabilité d’avoir mis en pièces la vie de ses proches restés au pays, il lisait Tchekhov, Dostoïevski, Proust, écoutait des enregistrements de musiciens disparus, apprenait à mesurer le poids des mots, des sons. A faire des choix et les assumer. Enseignant à la Haute école de musique de Genève, Tedi Papavrami donne l’intégrale en deux concerts des Partitas et sonates de Bach.
Genève, temple de la Fusterie. Je 13 et ve 14, 20 h.
www.espacefusterie.ch