Rodrigo García, le metteur en scène hispano-argentin, présente sa pièce «Daisy» à Genève. Le directeur du Centre dramatique national de Montpellier a à son actif des créations à l’humour noir comme J’ai acheté une pelle chez Ikea pour creuser ma tombe. Ou encore un Golgota Picnic, qui lui a valu l’ire des intégristes en 2011. Sur scène, un capharnaüm joyeux d’objets hétéroclites, comme dans une installation d’art, dispositif déjà vu tant de fois dans le théâtre contemporain. Une moto, un hamburger qui parle, une bibliothèque, des cafards mangeant de la salade, mais aussi un quatuor jouant du Beethoven en direct, un loulou et un chihuahua… Cette salle de jeu est occupée principalement par deux acteurs, Juan Loriente et Gonzalo Cunill, qui parlent espagnol. Leur texte est reproduit en français sur un écran. Là encore, il y a saturation, on devrait interdire pour une saison au moins les écrans dans les pièces de théâtre. Le texte, en neuf chapitres, parle de spleen contemporain. Du dégoût. Dégoût de vivre en général, et du ski nautique en particulier. Il est plutôt plaisant, malgré quelques provocations gratuites: «Chaque habitant du canton de Fribourg rêve la nuit de sucer une bite» (peut-on lire en lettres lumineuses). Parfois, il touche, comme lorsqu’il donne, de manière enfantine, la raison d’être de chaque chose: «Acheter, pour se distraire. Boire, pour discuter. Sourire, pour ne pas faire peur. Embrasser, pour sentir la peau. Des cages, pour les animaux sauvages. De l’eau, pour y mettre du sel.» C’est toute l’aberration de la société de consommation qui apparaît. La folie d’une humanité composée de moutons de Panurge, ou plutôt de cafards. Mais García semble se complaire dans une posture cynique. Même si elle n’est pas dénuée d’humour, elle fait du surplace. La crucifixion de Rogier van der Weyden, qui s’anime au son de Wordy Rappinghood de Tom Tom Club, n’y changera rien, ni les intermèdes «dansés», plutôt gênants. Constamment dans l’ironie, ce théâtre touche peu. Reste l’apparition réjouissante du philosophe Leibniz, qui vient parler de la «Machine Escargot». Dans ce monde de brutes, mieux vaut être escargot, pour le plaisir de l’herma-phrodisme et de la lenteur.
«Daisy». Texte, scénographie et mise en scène Rodrigo García. Théâtre Saint Gervais, Genève. Du 11 au 15 novembre.