Zoom. Woody Allen est le cinéaste le plus prolifique du cinéma contemporain. Il enchaîne les films sans répit, et parfois, il en rate. A l’image de «Magic in the Moonlight », 44e long métrage fort décevant.
Stéphane Gobbo
L’année dernière, on avait beaucoup aimé Blue Jasmine et son héroïne tragique, une New-Yorkaise guindée victime des malversations de son homme d’affaires de mari et contrainte d’aller trouver refuge chez sa sœur adoptive dans une banlieue modeste de San Francisco. En 2012, on avait au contraire passablement soupiré en découvrant To Rome with Love, un film choral italophile mais désincarné et sans saveur, ressassant en boucle quelques vieilles idées.
Woody Allen tourne sans relâche depuis le milieu des années 60, on lui pardonne du coup volontiers un film mineur. C’est l’avantage des réalisateurs prolifiques. Sur le papier, son 44e long métrage était alléchant. Trois ans après l’enchanteur Minuit à Paris, qui est devenu sur le tard le plus gros succès de son imposante carrière, l’Américain a décidé de revenir en France, en Provence cette fois, pour un film en costumes se déroulant à la fin des années 20, Magic in the Moonlight. L’histoire est celle d’un illusionniste acceptant à la demande d’un confrère et ami de tenter de démasquer une jeune médium abusant, à coups de présages divins et autres séances de spiritisme, de la crédulité d’une famille d’aristocrates.
Un cartésien pris de doute
Voici donc Stanley Crawford qui, sur scène, se fait passer pour un magicien chinois nommé Wei Ling Soo. Houdini est mort en 1926, c’est lui, dorénavant, le plus grand. Il connaît tous les trucs et astuces, aucun autre illusionniste ne peut le berner, lui qui est capable de faire disparaître un éléphant et de se téléporter, bien avant les shows mégalomanes de David Copperfield. Mais face à la frêle Sophie Baker, le voilà tout chose. Le truc, l’astuce, il ne les voit pas. Et si elle était vraiment médium? Cartésien bougon et volontiers misanthrope, il est d’abord intrigué, puis charmé.
Lorsque Stanley, artiste obsédé par la mort, commence à croire qu’il y a peut-être un au-delà, qu’un monde des esprits existe bel et bien, on pense forcément à Woody Allen lui-même et à ses névroses. On l’imagine en train d’écrire avec jubilation cette scène où Stanley se met à prier. Le problème, c’est que de cette jubilation découle une certaine moquerie. On ne rit pas avec Stanley, on rit de lui. Il en va de même en ce qui concerne Sophie. Les dialogues ont beau fuser, comme de coutume, on ne parvient guère à s’attacher à ces personnages, tandis que face à l’héroïne de Blue Jasmine, que l’on pensait victime avant de découvrir qu’elle avait toujours été maîtresse de son destin, on passait astucieusement d’une émotion à l’autre. On vibrait. Ici, c’est le calme plat. L’ami Woody tourne en rond, semble meubler le temps dans l’attente de la résolution finale. Il n’y a dans ce Magic in the Moonlight aucun enjeu, mais pas mal de niaiserie et bien peu de plaisir. Pas de magie, donc. On reste, à l’instar de Stanley, perplexe. Mais sans être ensuite charmé.
Le cinéaste new-yorkais est prolifique, on l’a dit, et il a déjà achevé le tournage de son prochain film. Il y sera question d’un prof de philo amoureux d’une de ses étudiantes. Espérons qu’il ait retrouvé son mordant.
«Magic in the Moonlight».
De Woody Allen. Avec Colin Firth et Emma Stone. Etats-Unis, 1 h 38.
Sortie le 22 octobre.