Il est l’un des meilleurs peintres de la mélancolie de la classe moyenne américaine. Richard Yates (1926-1992), romancier, rédigea aussi les discours politiques de Robert Kennedy au début des années 60. On l’avait redécouvert en 2009 grâce à l’adaptation des Noces rebelles (Revolutionary Road), par Sam Mendes, qui voyait se déchirer Kate Winslet et Leonardo DiCaprio.
Avec cruauté et empathie, il décrit des personnages tentés un moment par la liberté, mais très vite rattrapés et englués dans leur milieu. Eux qui voulaient juste sentir vibrer la vie en eux, faire un écart, s’évader… Etre aimés, désirés, valorisés, un instant. Plus amère sera la désillusion… Dans ces neuf histoires, les bourgeois de la middle class des années 50 s’ennuient. Ils et elles s’appellent Betty, Nancy, Bobby ou Harry. Les hommes racontent leurs «exploits» de guerre, les femmes les vivent par procuration. Accaparées par leurs tâches quotidiennes, elles trompent leur ennui par de brèves rencontres en attendant leurs maris, partis au service. Une fiancée fait un voyage en Europe et tente de vivre «une dernière folie avant le mariage», un moment rien qu’à elle, qu’elle vole, mais qui semble terriblement banal et avorté. Dans ces pages, on désire les rapports humains autant qu’on les fuit, comme si on ne pouvait être, au choix, que livré à soi-même ou asservi par autrui.
Derrière la banalité apparaissent la violence des rapports sociaux et l’aliénation dans une Amérique qui fait pourtant tant rêver, celle des années 50. Un monde conservateur, où chacun paraît figé dans un stéréotype. Tout le talent de Yates est de rendre ces stéréotypes vivants et humains.