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Patrick Bruel, pour l’amour du je (u)

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Jeudi, 25 Septembre, 2014 - 05:57

Rencontre. Le Français a démarré sa carrière d’acteur à la fin des années 70, bien avant la sortie de son premier disque. Dans sa nouvelle comédie, Tonie Marshall en fait un «sex addict» repenti.

La vie est faite de paradoxes. Décembre 1980, Patrick Bruel a 21 ans et découvre dans un cinéma des Champs-Elysées La boum, dont la jeune héroïne est incarnée par une inconnue de 13 ans, Sophie Marceau. Il adore le film et se retrouve peu après à faire des essais pour sa suite. Il n’a alors qu’un tournage à son actif, Le coup de sirocco, d’Alexandre Arcady, mais se retrouvera néanmoins parmi les deux finalistes. Il est finalement écarté parce que la production ne croit pas qu’il puisse faire rêver les filles… C’était avant qu’il ne se fasse chanteur et que la «bruelmania» devienne un vrai phénomène de société.

Les temps ont changé, et si Tonie Mar­shall a choisi de lui confier le rôle d’un sex addict en phase de sevrage et reconverti dans la thérapie de couple, avec en guise de collègue une Sophie Marceau à la libido débridée, c’est parce qu’il a une image de séducteur, d’homme à femmes. «C’est marrant, se contente-t-il de relever. Jouer celui qui se retient, qui se réfrène, qui prend des décisions et s’y tient, c’était assez drôle.»

Une pomme et une colère

On rencontre Patrick Bruel à Bienne, où il est venu défendre Tu veux ou tu veux pas dans le cadre du Festival du film français d’Helvétie. Il commence par dévorer frénétiquement une pomme, ce qui n’est pas pratique pour répondre à nos questions, concède-t-il tout en mâchonnant. Il suit un régime strict et a un coup de mou. Il faut dire à sa décharge qu’entre la fin de sa tournée française, avec un mégaconcert à Lille diffusé en direct à la télévision le 5 septembre, la promotion du film de Tonie Marshall, des concerts à venir à Londres et à New York, ainsi que le tournage d’une comédie romantique aux côtés d’Isabelle Carré, il n’arrête pas de courir. «Mais bon, on ne va quand même pas se plaindre», rigole-t-il tout en se réjouissant de pouvoir souffler quelques mois à partir de novembre.

Aurait-il accepté la proposition de Tonie Marshall il y a vingt ans, lorsque lui collait à la peau une image de chanteur pour midinettes? «Sans hésiter, dit-il en avouant ne jamais penser en termes d’image. J’aurais accepté ce rôle avec plaisir il y a cinq, dix ou vingt ans. Il fallait juste que ça me fasse rire. Et avec Tonie, j’avais la garantie que le film sortirait des sentiers battus, que ça serait caustique et pas politiquement correct, mais pas vulgaire non plus. J’étais aussi sûr que ça serait émouvant, et surtout qu’on allait bien se marrer.» Patrick Bruel ne réfléchit pas à son image, donc. Si ce n’est qu’il recevra peu après un coup de fil qui le verra piquer une grosse colère autour d’un spot qui doit être diffusé et qu’il n’a pas encore eu le temps de valider… Le Français est sûr de lui, ses réponses fusent, mais il n’approfondit rien. Il mène sa vie à cent à l’heure, va constamment de l’avant et ne s’étale guère sur le passé. Jouer au vieux combattant, ce n’est pas pour lui. Lorsqu’on cite quelques films importants qui jalonnent sa filmographie, il les commente en quelques mots, guère plus.

On lui glisse alors que dans la liste des rendez-vous ratés, au-delà de La boum 2, on l’aurait bien vu dans un film de Claude Sautet. Il s’illumine. «Sautet, ce n’est pas un rendez-vous raté; c’est un rendez-vous qu’on aurait eu s’il n’était pas mort. On a déjeuné ensemble, un jour, et il m’a dit, très ému: «Vous auriez vraiment été un acteur pour moi, mais malheureusement je ne ferai plus de film.» Et il avait les larmes aux yeux. Il savait qu’il était malade, ça m’a bouleversé. Il a marqué ma vie, César et Rosalie a changé beaucoup de choses, comme Le cercle des poètes disparus. Ce pauvre Robin Williams qui est parti cet été… C’est beau, quand le cinéma nous emmène ailleurs, nous fait dévier de notre route, nous fait voyager.»

Pas assez d’improvisation

S’il y a une chose que Patrick Bruel en a marre d’entendre, c’est qu’il est un chanteur qui fait l’acteur. Car le cinéma est venu avant la chanson. «Mais bon, c’est clair que parfois la musique prend le dessus, comme lorsque tu fais 5 millions de téléspectateurs sur TF1 pour un concert en direct. Mais avant, il y a eu 5 millions de spectateurs dans les salles pour Le prénom…» A 55 ans, celui qui s’est aussi distingué dans le milieu du poker est sûr de lui et de ses choix. Pas besoin de se documenter avant d’incarner un sex addict, d’autant plus que son personnage est facile à comprendre. «Il y a chez lui une faille dans l’enfance, un désir de plaire et d’être aimé un peu plus grand que chez les autres, parce qu’il y a eu un abandon. Ce n’était pas très compliqué de voir où il en était, et je n’ai pas eu besoin d’aller passer huit jours en psychothérapie de groupe. Il y a des acteurs qui auraient lu des livres, ça aurait peut-être été utile, moi je ne l’ai pas fait.»

Film très écrit, Tu veux ou tu veux pas fonctionne essentiellement sur ses dialogues et le couple Bruel-Marceau, tout en non-dits et en tension sexuelle. Seul regret pour le comédien, le manque de place pour l’improvisation. «Tonie est très directive et très précise sur le jeu. Mais moi, je viens d’une école différente. Non seulement j’ai fait partie de la Ligue d’impro, mais en plus j’ai joué avec Lelouch. Quand je suis sur scène pour chanter, je n’écris rien à l’avance, tout vient comme ça. Je répète parfois un peu ce que j’ai dit la veille, mais le plus souvent, j’improvise. Quand tu es face à Sophie Marceau, qui est la fille la plus instinctive de l’Hexagone, et qu’on te demande de faire du mot à mot, tu te dis alors que c’est un peu con, qu’il faut aller chercher autre chose. Malheureusement, on ne l’a pas fait assez, même s’il y a quelques moments de vraie impro.» Dommage en effet. On sent le duo sur la retenue, de même, Tonie Marshall, césarisée en 1998 pour Vénus beauté, n’a visiblement pas osé aller trop loin. On aurait aimé qu’elle se lâche et qu’elle tente de marcher sur les traces des frères Farrelly ou de Judd Apatow plutôt que de stagner dans les eaux peu troubles du vaudeville gentillet et de la comédie romantique prévisible.

Ce qu’a surtout aimé le comédien, c’est le regard juste de la réalisatrice sur la société. Le fait qu’elle montre que l’addiction et la liberté sexuelle ne sont pas l’apanage de l’homme et que, dans une vie de couple, ce qui compte, c’est le dialogue. «Il est important de s’asseoir, de parler de ce qui ne va pas et d’en rire. C’est comme avec le sexe, il faut dédramatiser. Le sexe doit être quelque chose de ludique, un plaisir et non une obligation, sinon c’est la catastrophe.»

Femmes, il vous aime

Le film aurait-il été différent s’il avait été écrit par un homme? Patrick Bruel ne le pense pas, et ne comprend d’ailleurs pas la distinction que l’on peut faire entre sensibilité féminine et masculine. «Mais j’ai un rapport différent avec les femmes. Je les aime, je suis très proche d’elles, je travaille avec elles. J’ai six employés à mon bureau et ce sont six femmes.» Ce n’est donc pas pour rien que Tonie Marshall le qualifie de séducteur… S’il lui arrive d’avoir le trac, c’est d’ailleurs quand il se rend à un premier rendez-vous amoureux, avoue-t-il. Le trac, il ne l’a jamais face à une caméra. «Tu peux l’avoir si tu n’as pas appris ton texte. Mais si tu es acteur et que tu ne sais pas ton texte, va te faire foutre, laisse les autres faire ce métier et retourne à l’école!» On ne pourra en tout cas pas lui reprocher son manque de franchise…

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