Musique. La Neuchâteloise Olivia Pedroli est retournée pour la seconde fois à Reykjavik, dans l’antre du producteur Valgeir Sigurosson. Son quatrième album est d’une indicible beauté.
La musique d’Olivia Pedroli provoque chez l’auditeur un large spectre d’émotions sur lesquelles il est vain de tenter de mettre des mots. En effet, la musique d’Olivia Pedroli se vit, elle ne s’explique pas. Touchée par la grâce, c’est la première impression qui nous vient à l’écoute du quatrième album de la Neuchâteloise, dont les chansons ont ce don rare d’être évidentes tout en étant profondément singulières.
Guitare expressive et voix d’ange, Olivia Pedroli éclôt en 2005 sous le nom de Lole. On la présente comme une révélation folk, on fait de ses compositions la réponse romande aux douces ballades de la Bernoise Sophie Hunger, et l’affaire semble classée. On ne soupçonne alors pas qu’à l’instar de sa consœur, la musicienne fera bientôt montre d’un talent hors norme, d’une incroyable capacité à se réinventer sans chercher à reproduire une quelconque formule qui lui permettrait de jouer sur de rassurants acquis. La musicienne vient d’ailleurs de se distinguer avec Préludes pour un loup, une composition en quatre parties réalisée pour une installation visible au Musée d’histoire naturelle de Neuchâtel, alors qu’il y a deux ans, elle signait la bande originale du documentaire Hiver nomade.
Le tournant, le point de bascule, a lieu à la fin des années 2000. Olivia Pedroli décide de sortir du carcan folk, de délaisser, après deux albums, son pseudo pour reprendre son identité civile, et emmène ses nouvelles chansons à Reykjavik, où le producteur Valgeir Sigurosson les retravaille et les transcende à l’aide d’instruments à cordes et à vent. Le résultat est sidérant, l’approche frôlant parfois l’expérimental pour évoquer une improbable rencontre entre le folk, la pop de chambre et la musique baroque.
Comme on ne change pas une équipe qui gagne, la Neuchâteloise est retournée en Islande façonner A Thin Line, un quatrième album sur lequel elle pousse encore plus loin cette démarche. Sigurosson, qui s’est fait connaître en travaillant pour des artistes vocalement aussi uniques que Björk, Bonnie Prince, CocoRosie ou Camille, a choisi de faire de la voix de la chanteuse l’élément central de ce nouvel enregistrement, de la moduler et de la travailler comme un instrument. Les arrangements qui permettent à ces onze nouveaux titres d’atteindre des sommets sont certes complexes, mais cachent leur savante architecture derrière des mélodies envoûtantes qui s’apprivoisent aisément. Difficile de garder les pieds sur terre, de ne pas planer là-haut, très loin, en écoutant ce grand disque qu’est A Thin Line.
Olivia Pedroli, «A Thin Line». Cristal Records/Harmonia Mundi. Sortie le 3 octobre.