Il est rassurant de constater qu’en Russie, terre de cinéma s’il en est, les réalisateurs peuvent encore s’exprimer librement et proposer des films ouvertement critiques. Découvert à Locarno cet été, racontant la folle nuit d’un jeune père de famille idéaliste, Durak est par exemple une charge cinglante contre la corruption et la centralisation du pouvoir (séances de rattrapage en octobre à Genève, dans le cadre du festival Kino).
Dévoilé en compétition à Cannes, où il a remporté le Prix du scénario, Leviathan porte bien, quant à lui, son titre: le monstre biblique auquel il emprunte son nom, c’est cette sombre Russie que nous dépeint Andreï Zviaguintsev, où les élus complotent avec la justice et le clergé, et se comportent comme de véritables mafieux.
Comédie humaine
Leviathan est le quatrième long métrage de Zviaguintsev, après Le retour, Le bannissement, Elena. En quatre titres, le cinéaste russe s’est bâti une filmographie au sein de laquelle il est impossible d’extraire un film qui serait plus fort que les autres, tant ils se révèlent tous esthétiquement éblouissants, tout en étant passionnants dans leur manière de scruter avec un regard sombre – mais non dénué d’humour – les rapports humains, que cela soit au sein du couple ou entre les classes. On ressort de Leviathan ébloui, mais aussi durablement ébranlé.
«Leviathan». D’Andreï Zviaguintsev. Avec Alexeï Serebriakov et Elena Liadova. Russie, 2 h 21.