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Leonard Cohen, Almost comme un charme

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Jeudi, 28 Août, 2014 - 05:55

«Popular Problems». Il a suffi d’«Almost Like the Blues», chanson en avant-première d’un album surprise prévu dans trois semaines, pour déclencher plus qu’un buzz: l’attente éperdue de la parole de Leonard.

Il y avait sûrement un type comme ça quand vous étiez étudiant, ou même plus tard, au bureau. Il n’avait rien besoin de faire, ou presque. Il affectait en permanence son demi-sourire fin et délicieusement ironique sur la vie. Il était merveilleusement cultivé sans fatuité. Il fumait, c’était si cool. Il avait toujours l’air de revenir d’une partie de pêche avinée sur une île grecque. Il passait devant vous avec la décontraction de celui qui sait qu’il peut mourir dans cinq minutes, et qui s’amuse du compagnonnage tragique de Dieu et du diable: une sagesse.

Il était beau, et vous ne pouviez pas expliquer pourquoi: l’élégance, l’aventurier dans la barbe de deux jours, le fripé fatigué et so chic de la chemise, la pétillance de l’œil? Toutes les femmes étaient amoureuses de lui, et vous n’en éprouviez aucune jalousie, juste une admiration vraie. Il était un genre d’absolu. D’exemple à suivre. D’attitude à espérer. Sûrement pas un dragueur à combattre. Vous recherchiez sa compagnie, d’ailleurs, comme un aveugle poursuit une lumière dans la nuit.

Le miracle

Cohen, c’est cela. Leonard, c’est lui. C’est un octogénaire désormais (il aura ses 80 ans le 21 septembre, veille de la sortie de Popular Problems, nouvel album) et l’on croit parfois à tort que c’est la patine des ans qui lui donne cette aimantation absolue. Non: c’est comme ça depuis le début. Même au milieu de la nuit, en 1970, à quatre heures du matin sur l’île de Wight, devant une foule énorme et énervée par l’attente, même en chantant plutôt comme un pied, un sous-Dylan qui parlait d’amours perdues et lugubres, il apaisait, il charmait, il était ce pansement amical, cet onguent sur l’âme et le cœur, cette main tendue, ce miracle qui faisait s’allumer les briquets, et s’embrasser alentour…

Ce mot de miracle est important avec lui: le salut, la rédemption, manière de sauvetage qui parle à la fois de religion et en est l’antithèse faite de questions et de beaucoup d’amour, d’ironie, de liberté, d’envie de se débarrasser de Dieu pour enfin pouvoir lui parler, peut-être.

La vérité

Ainsi, prenez Almost Like the Blues, cadeau offert en teaser de sa parole à venir. Un clapotis de percussion, trois notes de piano. Et sa voix, membrane de baryton enfumé, une vibration qui vous ouvre, c’est le seul mot juste. Il s’engouffre dans la brèche, il balance des villages en feu, des enfants en fuite et des viols en bande, ce n’est pas drôle mais cependant exactement ce que vous rêviez d’entendre: la vérité.

Il y a les Anges enfin, ces chœurs de filles, ailées quand elles montent dans les aigus, des volutes, des caresses autour de l’Homme, un érotisme incroyable, une violence veloutée. C’est une immense chanson.

Pourtant, c’est Lui qui fait tenir ça debout. Il n’est pas un immense musicien, il est d’abord un poète et un homme dont les mots sont un vin faussement doux et toujours acide: il vous ronge. Il est une façon d’être au monde en essayant d’y trouver sa place moins dupe, plus tendre, moins lâche, plus lucide. Nous sommes des millions à attendre sa parole, neuf petites chansons: Leonard Cohen est de retour.


«Popular Problems».
De Leonard Cohen.
1 CD Sony Music. Sortie le 22 septembre.

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