Zoom. Le Youth Orchestra of Bahia est un outil extraordinaire d’apprentissage et d’intégration. Martha Argerich ne s’y est pas trompée: comme d’autres grands artistes, elle vient jouer avec ces jeunes musiciens en résidence au Septembre musical.
Dominique Rosset
Si d’ordinaire Bahia rime avec samba, le répertoire de l’Orchestre de jeunes de Bahia (YOBA) déborde allègrement les siècles. Mahler, Gershwin, Bernstein, Poulenc sont notamment au programme des concerts de Montreux. Beethoven aurait aussi pu être de la fête: depuis sa création, en 2007, cet orchestre de jeunes professionnels trace en effet une trajectoire aussi riche en événements musicaux (standing ovation de plus de vingt minutes lors d’un concert à Berlin en 2011) qu’en dimensions humanistes et visionnaires. Il est né de la volonté d’un pianiste doué et atypique, Ricardo Castro, convaincu que le métier de musicien ne peut se limiter à donner de prestigieux concerts pour un public choisi: «Une carrière ne garantit pas le bonheur, observe-t-il. J’avais besoin que mon parcours de vie prenne du sens, soit utile à la société.»
Des lieux d’apprentissage
Lors d’une tournée au Venezuela, il découvre le projet El Sistema: des centres d’éducation musicale gratuits ouverts à tous, origines culturelles et sociales confondues. Le pianiste suisse d’origine bahianaise prend alors son bâton de pèlerin et crée, dans son pays de naissance, un premier centre, prélude à plusieurs autres entre-temps regroupés sous l’appellation NEOJIBA (Centres d’Etat de la jeunesse et des orchestres d’enfants de Bahia). «Les enfants reçoivent un enseignement gratuit, on leur fournit un instrument si nécessaire, ils reçoivent à manger, suivant la durée des répétitions, les plus âgés reçoivent une bourse pour vivre et aider leur famille, décrit Monica Schütz, de l’Association suisse des amis de NEOJIBA. Le principe de base est que les instrumentistes expérimentés prennent en charge les plus jeunes, leur donnent des cours, les intègrent aux ensembles à leur niveau.» Chaque centre possède en effet plusieurs orchestres, véritables lieux d’apprentissage collectif: «L’idée est de faire de ces centres des lieux de connaissances et d’intégration sociale desquels toutes les barrières sont bannies.» La musique comme un gigantesque terrain de jeux, d’échanges, d’écoute et de progrès vécus par le collectif. Quoi de plus rassembleur qu’une œuvre dans laquelle chacun peut trouver sa place, tenir son rôle, partager une même destinée.
Fort de ses liens dans le monde musical et notamment en Suisse romande, où il enseigne et vit une partie de son temps, Ricardo Castro a créé un réseau de professeurs qui font le trajet de Bahia pour enseigner aux étudiants avancés; à charge de ces derniers de transmettre leurs acquis aux plus jeunes… La Haute école de musique, le Conservatoire de Genève, des musiciens de l’OSR collaborent ainsi au développement exponentiel de NEOJIBA, tandis que le luthier André-Marc Huwyler y a formé des émules.
L’orchestre invité à Montreux est ainsi le sommet d’un iceberg musical gigantesque et magnifique qui répond au credo de Ricardo Castro, à son «souci de la croissance de l’autre», à son envie d’une «musique vécue comme un outil de développement de la personne en général, et pas seulement comme un art pour quelques élus qui se font une fortune en jouant des sonates de Mozart»… La musique au service de liens sociaux et d’épanouissement individuel: un souffle d’utopie à écouter.
Concerts, ateliers, animations du YOBA: Montreux, Auditorium Stravinski, du vendredi 5 au mardi 9 septembre.
Septembre musical: du 28 août au 13 septembre.
www.septmus.ch
Association suisse des amis de NEOJIBA:
asanba.ge@gmail.com
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