Eclairage. Au Festival de Locarno, on parle cinéma mais aussi politique culturelle. L’occasion de faire le point sur l’éviction de la Suisse du programme européen d’aide au cinéma MEDIA.
La Suisse culturelle, comme la Suisse économique et la Suisse estudiantine, a découvert, au lendemain de l’acceptation par le peuple de l’initiative UDC contre l’immigration de masse, les effets négatifs insoupçonnés de ce refus. Le 10 février, l’Union européenne (UE) faisait savoir à la Confédération helvétique qu’elle la radiait du programme d’aide au cinéma MEDIA, intégré en 2006.
A Locarno, le conseiller fédéral chargé de la culture, Alain Berset, est venu rappeler, aux côtés de la nouvelle directrice de l’Office fédéral de la culture (OFC), Isabelle Chassot, que la Suisse a tout mis en œuvre pour réintégrer au plus vite le programme, idéalement au 1er janvier prochain. Il faut pour cela que l’UE délivre un mandat de négociations. Pour l’instant, le gouvernement a pris des mesures transitoires en débloquant 5 millions de francs supplémentaires pour l’aide au cinéma. Des mesures qui pourraient être prolongées l’an prochain. Concrètement, que signifie l’éviction de MEDIA?
Faire partie du club
MEDIA est un programme proposant notamment des aides à la distribution, tant pour les films nationaux à l’étranger que pour les films étrangers sur un territoire national. La Suisse n’étant plus éligible, un autre outil de soutien au cinéma européen, mais avec un budget moindre, a pris le relais: Eurima-ges. Sans rentrer dans les détails, disons que le cinéma suisse est depuis février dernier moins attractif pour un distributeur étranger. S’il a le choix entre un film helvétique et un film produit dans un pays faisant partie de MEDIA, il choisira forcément celui-ci, mais uniquement parce qu’il pourra bénéficier d’une aide supplémentaire.
Au-delà de ce problème se pose celui de la coproduction. La Suisse a besoin de partenaires européens mais ceux-ci sont aujourd’hui moins enclins à l’aider. Se pose aussi la question des films européens projetés en Suisse. Ces derniers, qui se partageaient le marché pour l’exercice 2013 à hauteur de 45% (pour 24% des recettes), pourraient voir leur nombre diminuer. La diversité risquerait d’en prendre un coup, détournant des salles les spectateurs les plus curieux. Les festivals pourraient eux aussi, à moyen terme, subir les effets d’une non-appartenance à MEDIA si celle-ci devait se prolonger. Ce qui semble malheureusement être le cas.
Le cinéma suisse est fragile et ne peut survivre sans subventions. Il s’agit d’un cinéma en majorité d’auteur, qui s’exporte plutôt bien dans les festivals étrangers mais ne peut le faire par ses propres moyens. La situation est dès lors préoccupante, même si les autorités se veulent rassurantes, de même que l’OFC, qui a rappelé un soutien accru (plus 6 millions afin de soutenir les tournages de films indigènes et étrangers en Suisse) dès 2015. «Appartenir au club européen et au programme MEDIA est très important, ne vous contentez pas de petites mesures compensatoires», prévient Roberto Olla, directeur exécutif d’Eurimages.