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Le Suisse qui a failli inventer la photo

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Jeudi, 14 Août, 2014 - 05:58

Récit. Le «pionnier» de la photographie Andreas Friedrich Gerber refait surface à l’occasion des 175 ans de la technique. Un anniversaire célébré à Vevey et à Berne.

Le 19  août 1839, il y a cent septante-cinq ans, les académiciens des beaux-arts et des sciences à Paris ont droit à une déclaration solennelle. L’astronome François Arago divulgue ce jour-là l’invention de la photographie. Une découverte due au Parisien Louis Daguerre, qui est parvenu à améliorer le procédé antérieur du Bourguignon Nicéphore Niépce. Originalité: l’invention est offerte par la France à l’humanité. A l’exception de l’Angleterre, les relations entre les deux pays étant ce qu’elles étaient, sont et seront de toute éternité.

Cette tombée immédiate de la photo dans le domaine public assure sa rapide diffusion dans le monde. Au cours des semaines et mois après la divulgation du 19 août 1839, les premiers appareils, qui portent le nom du peu modeste Daguerre, impressionnent des plaques en Europe, et bientôt outre-mer. Amorçant une révolution de l’image qui mènera à notre société de la communication visuelle, jetant les semences du cinéma, de la télévision, des selfies et facebookeries.

L’histoire des sciences et des techniques abonde en bagarres autour de l’invention de tel ou tel procédé innovant. Pour des questions d’orgueil national ou de royalties, il se trouvera toujours quelqu’un pour affirmer qu’il est ou qu’untel est le vrai découvreur de ce dispositif, de cette molécule, de cette application. La photographie n’est pas une exception. L’idée de fixer une image sur une surface photosensible grâce à une chambre noire remonte au moins au XVIIIe siècle. Les tentatives se multiplient au début du siècle suivant, avec la percée décisive vers 1826 de Nicéphore Niépce. Celui-ci arrive à prendre l’empreinte durable d’une image du monde réel (sa propre maison près de Chalon) sur une plaque d’étain. Mais le procédé est imparfait. Avec la collaboration de Niépce, Louis Daguerre lui donne une forme convaincante, surtout «prête à l’emploi».

Lorsque la toute première annonce de l’invention de Daguerre à l’Académie des sciences est faite le 7 janvier 1839, et que la nouvelle est publiée dans les journaux, d’autres «découvreurs» de la photographie protestent avec la dernière énergie. C’est le cas bien sûr en Angleterre, où William Henry Fox Talbot a mis au point son propre dispositif photographique, de plus reproductible grâce à l’emploi d’un négatif. C’est le cas en France même, où Hippolyte Bayard se représente en noyé pour déplorer de ne pas avoir été reconnu comme le vrai père de la technique.

En Suisse, le magazine Beobachter fait part en janvier 1839 de l’invention de Daguerre. Sans attendre, Andreas Friedrich Gerber adresse une lettre de protestation au Beobachter. Il y signale qu’il a capté dès 1836 sur un papier sensibilisé au chlorure d’argent l’image d’objets minuscules grâce à un microscope solaire. Gerber n’est pas n’importe qui. Né vers 1797 à Eggiwil, il a étudié à Berne, Bonn et Tübingen. En 1839, il est professeur de médecine et d’anatomie vétérinaire à l’Université de Berne. C’est un esprit curieux, expérimentateur. Il connaît comme ses pairs les propriétés photosensibles des sels d’argent, dont le noircissement à la lumière a été constaté dès le XVIe siècle au moins.

Images perdues

La reconnaissance de sa prétendue percée décisive de 1836 n’aura pas lieu. Aussitôt sa lettre de protestation parue dans le Beobachter, qu’un autre lecteur l’assassine en soulignant sa vanité de «professeur de l’université locale» qui cherche à «arracher la notoriété de la découverte» à Daguerre. Pas démonté, Gerber détaillera sa trouvaille dans la préface de son livre Manuel de l’anatomie générale de l’homme et des mammifères domestiques paru en 1840. La même année, le capitaine anglais Boscawen Ibbetson publie à Londres un ouvrage de photos où il mentionne le procédé d’Andreas Friedrich Gerber. Mais le livre a été perdu, comme l’ont été les premières images du médecin bernois. Quelques-unes de ses photos ultérieures, dont des daguerréotypes, sont conservées à la Bibliothèque de la bourgeoisie de Berne. Des recherches sont toujours en cours pour en savoir un peu plus sur les expérimentations de Gerber. A l’automne 2015, une exposition sur les pionniers de la photo au Kornhaus de Berne permettra peut-être d’en savoir un peu plus.

Une célébration des 175 ans de la divulgation officielle aura lieu les 30 et 31 août au Musée suisse de l’appareil photographique, à Vevey. Des visites, ateliers pour jeune public et la possibilité de prendre des images avec une réplique de la chambre noire de Niépce seront au programme. Avant cela, le 19 août dès 18 h au Kursaal de Berne, les associations de la photographie donnent rendez-vous au public pour une série d’animations et exposés sur l’invention.

www.cameramuseum.ch
www.fotohistory.ch

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