C’est fini. Ouvrir à peine les yeux, les paupières toutes chiffonnées, puis se retourner, enlacer le duvet dans un soupir d’aise et retourner à ses rêves, jusqu’à ce que la moindre trace de fatigue soit effacée. Ce délice-là, elle ne le connaîtra plus qu’exceptionnellement dans les semaines à venir. Et, pourtant, même si elle ronchonne un peu, comme pour la forme, un petit fourmillement très agréable la gagne peu à peu, une envie d’agir, d’apprendre, de travailler et de programmer ses journées.
Elle a choisi un nouveau sac comme cadeau d’anniversaire, en daim, assorti à la veste dénichée dans un second hand. Elle organise des classeurs, trace d’une écriture appliquée le nom des branches sur l’étiquette glissée contre leur tranche. La trousse ne contient plus que l’indispensable, et l’agenda tout neuf reçoit ses premiers rendez-vous. La chambre, rangée, est prête pour les soirées d’études. Quant à elle, la jeune fille, elle piaffe intérieurement. Elle va mal dormir, c’est sûr, tant elle est impatiente de retrouver les siens. Parce que, oui, elle se réjouit, elle nous l’avoue, elle se réjouit immensément de retrouver la proximité avec la meute de ses camarades, ses semblables qui traversent comme elle cette adolescence qui va faire d’eux des hommes, des femmes. Les siens, c’est eux, eux qui la comprennent mieux que nous. On les entend déjà rire sans cesse, parler fort, écouter de la musique, encore plus fort, se moquer les uns des autres, se bousculer, s’aimer et, mais cela ils ne le savent pas encore, se fabriquer des souvenirs.