Zoom. Le festival de Gstaad innove en organisant une académie de direction d’orchestre, première du genre et rare aubaine pour des étudiants du monde entier.
Dans la grande salle de Château-d’Œx, l’orchestre du festival de Gstaad travaille Stravinski et Schubert mais, fait inhabituel, face à un chef qui, toutes les vingt minutes environ, change de tête, de corpulence, de gestique. Ils sont en effet 17 à se succéder au pupitre et, surtout, à bénéficier de musiciens professionnels, en chair et en os, pour affiner et exercer leur métier. La musique s’interrompt parfois lorsque, aussi respecté comme chef que comme pédagogue, Neeme Järvi (ou son complice Leonid Grin) s’approche de l’étudiant, lui propose de clarifier un geste, d’assouplir ses épaules, d’ajuster ses mouvements à sa respiration afin de trouver la manière de transmettre la bonne impulsion lors d’un départ, d’indications de nuances ou de changements de tempo. Le corps se redresse, s’assouplit, la baguette se fait plus sûre, plus économe aussi.
Apprendre à se faire comprendre, c’est l’objectif de cette académie qui, fait unique en Europe, si ce n’est au monde, se tient sur trois semaines. «Il y a longtemps que j’avais ce projet, se réjouit Christoph Müller, directeur du Menuhin Festival Gstaad. La vie musicale a besoin de chefs, et besoin qu’ils soient bons mais, contrairement aux chanteurs et instrumentistes, les chefs n’ont que rarement la possibilité de travailler leur instrument: un orchestre tout entier! La tradition et les valeurs pédagogiques de notre festival se devaient d’innover et de proposer une telle offre.» Laquelle se chiffre tout de même à près de 750 000 francs…
Sculpter sa personnalité
La Conducting Academy, menée de surcroît par un homme de la trempe de Neeme Järvi, a convaincu sponsors et pouvoirs publics. Côté participants, elle a suscité plus de 200 vocations, parmi lesquelles les 17 élus de la volée 2014: «C’est une occasion extraordinaire, témoigne l’un des stagiaires. Jamais on n’a accès à un orchestre, durant trois semaines, que l’on peut diriger chaque jour. Imaginez le coût que cela représente ! Et on apprend d’une manière tellement directe l’impact de nos gestes, leur efficacité ou, au contraire, leur maladresse… On prend conscience avant tout de cette nécessité absolue d’être à la fois à l’écoute de ce qui se passe et dans l’anticipation de ce qui va suivre, du rôle qui est le nôtre.» Engagé par ailleurs comme violoniste dans l’orchestre, le jeune homme observe avec plus d’acuité encore les gestes de ses collègues en direction. Et apprécie d’autant plus les remarques pertinentes, volontiers goguenardes et imagées des professeurs. Tout cela dans une atmosphère respectueuse et amicale : «Nous ne sommes pas un concours, précise Christoph Müller, chaque étudiant fera son chemin durant ces trois semaines, en compagnie de l’orchestre, des professeurs et de chacun des participants.»
La suite du programme de ces journées intenses ? Glazounov, Sibelius, Tubin, Grieg, Chostakovitch… Le rêve absolu pour les jeunes chefs invités à sculpter leur personnalité dans l’espace et à faire en sorte qu’elle s’incarne dans l’orchestre. Le bonheur absolu pour Neeme Järvi qui profite de chaque instant pour offrir ce qu’il sait. Un chef a besoin d’expérience, de confiance individuelle et collective. C’est ce que cette académie hors norme se promet, sur le long terme, d’offrir.
Concerts de la Conducting Academy: Gstaad. Tente du Festival. Me 20 et 27 août, 17 h. Rens. www.menuhinfestivalgstaad.ch