Art contemporain. C’est une exposition qui en dit peu, mais suggère beaucoup. L’artiste italienne Tatiana Trouvé, qui travaille à Paris, a disposé son mystérieux inventaire modulaire sur deux étages du Mamco. Des dessins d’architectures élémentaires, des matériaux de construction, des câbles qui se dressent puis retombent comme des jets d’eau, des parallélépipèdes en verre hermétique, des rochers cadenassés, un studio d’enregistrement et une salle de gym miniatures, du mobilier incertain, des coins de bois qui se fichent dans les interstices d’une pièce, un salon dont le titre change chaque année, modifiant la perception de l’œuvre.
Bref, le visiteur est face à des objets qui sont sur le point de construire quelque chose, mais qui en restent là, indécis sur la marche à suivre. Et lorsqu’ils se décident à aller de l’avant, à pointer quelque chose, c’est pour mieux brouiller les pistes. A l’exemple des 350 fils à plomb suspendus à un plafond, mais qui, loin de désigner une parfaite verticalité, s’inclinent dans tous les sens, chacun pointant une direction, attirés par 350 pôles magnétiques différents. Cet art en appelle aux mânes de Marcel Duchamp, avec ses verres, ses bandes de métal, ses énigmes-rébus, ses espaces «inframinces». Mais il est tout le contraire d’un «ready-made»: rien n’y est «ready», encore moins «made». Le nom de l’artiste est bien Trouvé, mais elle ne trouve surtout pas, préférant préparer, chercher, se placer en deçà plutôt qu’au-delà, proposer des espaces et des pensées en gésine, encore incomplets. Ce travail singulier est comme la métaphore de l’intuition, de la prémonition, de l’idée initiale à la source de la création. Il évoque la genèse de la forme, le champ des possibles, l’abécédaire d’un récit à venir. Il est paradoxalement très abouti, frappant si fort l’imagination qu’il provoque – pour reprendre le titre de l’exposition – «Un long écho». LD
«Tatiana Trouvé». Genève, Mamco. Jusqu’au 21 septembre.