Deux albums de piano jazz «hyperpianistique», on va dire ça comme ça. D’abord Hiromi, la formidable pianiste japonaise de Hamamatsu, 35 ans désormais, qui sort un disque live en trio avec Simon Phillips (le batteur du groupe Toto) et le bassiste Anthony Jackson. Elle avait déjà réalisé avec eux deux albums en studio, avant la tournée durant laquelle cet Alive a été capté. Ensuite, son altesse Chick Corea, qui a plus du double de son âge (73 ans) et publie un Portraits, double album live qui lui permet de rendre une série d’hommages: Bud Powell ou Monk par exemple, mais aussi Stevie Wonder ou Scriabine.
Qui est le (la) meilleur(e) pianiste entre ces virtuoses? Chez Hiromi, on admire cette vitesse incroyable, percussive presque, qui parfois fait penser à Petrucciani dans le lyrisme (elle fut l’élève de l’immense Ahmad Jamal) à toute vapeur. Chez l’Américain Corea, il y a toujours cette nuance du toucher, cette musicalité incroyable, qui lui permet d’étonner encore sur des thèmes aussi rebattus que Round Midnight ou le wonderien Pastime Paradise (une version magnifique). L’un comme l’autre adorent faire un peu leur show, aussi, limite les malins, tant leur technique ébouriffante, venue d’études classiques, reste impressionnante. A ce décompte-là, prime à la jeunesse et première manche Hiromi: elle est parfois incroyable d’énergie et de pyrotechnie sur clavier.
Deuxième manche Corea, pourtant: quelle leçon en passant de Bill Evans à Paco de Lucía ou Bartók! Avant chaque «portrait», il explique en quelques secondes pourquoi cette musique et ce musicien le touchent, l’émeuvent, l’inspirent. Ensuite, c’est une démonstration virtuose, mais aussi musicale, un thème en amenant un autre, des liens se créant entre les genres: un miracle.
A la fin, on se dit qu’il faut évidemment adorer les deux. Mais comme on n’est pas à L’école des fans, on va pencher pour Hiromi quand même: parce que, d’une certaine manière, son talent dans Alive est encore de s’inventer elle-même plutôt que de rendre grâce aux géants qui l’ont fait éclore. Avantage sentimental au culot looké manga de la Nippone, donc.