Portrait. Le «songwriter» irlandais présente au Paléo Festival son somptueux deuxième album, «Post Tropical», qu’il a enregistré seul dans une ferme isolée au fin fond du Texas.
On ne peut plus véritablement parler de lui comme d’une découverte, si ce n’est que, perdu au sein de la luxuriante et très dense programmation du Paléo nyonnais, il a toutes les chances de passer inaperçu. Notamment parce qu’il joue dimanche en fin de journée, peu avant un concert qui forcément attirera tous les regards, et pas toujours pour de bonnes raisons: celui de Détroit, qui verra le retour de Bertrand Cantat sur la plaine de l’Asse, douze ans après la dernière prestation de Noir Désir.
James Vincent McMorrow pourrait passer inaperçu, donc, et ce serait triste. On se souvient par exemple qu’en 2011 il avait envoûté l’Auditorium Stravinski du Montreux Jazz en offrant à un public qui, en majorité, ne le connaissait pas encore, une prestation bien plus intense que celle des héros de la soirée, les Montréalais d’Arcade Fire. Au Paléo, il faudra alors impérativement reporter l’apéro de 18 heures pour se diriger vers la scène du Détour, où l’Irlandais célébrera une torride messe pop-folk.
le trac, enfin
En février 2012, McMorrow est à l’affiche, à Londres, du prestigieux Royal Festival Hall. Le concert affiche complet. Lorsqu’il sort de scène, il se pose une question: est-ce que j’étais bon? Incapable d’y répondre, il réalise qu’il a tendance à picoler avec excès avant et pendant ses performances, et que ses souvenirs deviennent de plus en plus évanescents. Il décide alors de devenir abstinent et voit cela comme un nouveau départ. Pour la première fois, il découvre ce que le mot trac signifie, et remarque que, sur scène, il tremble du début à la fin de ses concerts. Il prend conscience que se produire devant un public, c’est bien plus que se contenter d’aligner des notes qui formeront une mélodie. Il y a dans ce geste de partage quelque chose de plus grand, de plus fort. De plus beau aussi. Son deuxième album, Post Tropical, doit beaucoup à cette lucidité.
Né à Dublin en 1983, McMorrow est un multi-instrumentiste surdoué dont le parcours commence sur une belle promesse. A 24 ans, il se voit offrir un contrat par Universal. Départ pour Londres, soirées sélectes, concerts auxquels sont conviés les gens qui comptent dans l’impitoyable industrie musicale. Il y croit mais se fait brutalement débarquer. S’ensuivent six mois de profonde remise en question, puis cette décision, salutaire: il se retire à Drogheda, au nord de Dublin. Dans un petit studio proche de la côte, il enregistre ce qui deviendra en 2011 son premier album, Early in the Morning. La presse s’enthousiasme et salue cette volonté d’isolement solitaire alors qu’il n’a choisi de travailler à Drogheda que pour des raisons purement financières. Il a une guitare et une barbe, on en fait une nouvelle étoile folk. Mais McMorrow n’a aucune envie de sonner vintage, ne fantasme pas sur Nick Drake ou le Greenwich de Dylan. Il aime la musique du XXIe siècle. Et s’était même d’ailleurs distingué en réenregistrant en solo un album de N*E*R*D, la formation de fusion rap-rock emmenée par Pharrell Williams.
De l’irlande au texas
Lorsque vient le temps de penser à un second album, étape que l’on considère encore parfois comme décisive, McMorrow décide d’être plus radical encore et de s’enfermer dans un studio perdu au sud du Texas, à quelques pas de la frontière mexicaine. Son but: enregistrer en jouant de tous les instruments des pop songs épurées, puis les tordre doucement à l’aide de beats discrets et d’arrangements synthétiques. Voix d’ange cristalline et tremblante, mélodies aériennes et envolées lyriques quasi divines: le résultat touche au sublime.
«Post Tropical». Believe/Phonag.
En concert au Paléo Festival le 27 juillet, à 18 h 30.