Festivals paysagers. Alors que le principe de Lausanne Jardins commence à dater, son équivalent Genève, villes et champs, interroge avec acuité la relation entre la nature et l’urbain. Visites comparées.
«On devrait construire les villes à la campagne car l’air y est plus pur», ironisait le grand Alphonse Allais. La manifestation Genève, villes et champs, première du genre, prend la proposition au pied de la lettre. Elle pose la question du sort réservé à la nature dans la croissance démographique d’une cité qui ne cesse d’agrandir sa propre circonférence. Elle s’appuie aussi sur de forts débats actuels: pensée territoriale, débat sur le paysage, agriculture de proximité et économie du même nom.
Pour autant, Genève, villes et champs ne se prend pas le chou (bio), proposant d’abord une superbe balade. Celle-ci raconte une urbanisation en harmonie avec la nature par l’entremise d’une quinzaine d’installations parsemées entre la campagne et le centre-ville. Il suffit de prendre le tram 14 à Cornavin jusqu’à son terminus de Bernex, puis de revenir vers Genève à pied, ou avec l’un des vélos et trottinettes (électriques ou non) proposés sur place. Elégamment fléché grâce à une collaboration entre la HEAD et le maître de la signalétique Ruedi Baur, le parcours commence par un gigantesque bélier gonflable, symbole de résistance au bétonnage vorace. Il mène ensuite à des propositions d’artistes, paysagistes, architectes et hautes écoles, en plein champ, dans des parcs ou des bois, puis peu à peu en ville, comme si une invisible force centripète était à l’œuvre.
Le promeneur découvre ainsi un château fort de paille, un grand portique-arrosoir, un paradis de lecture aménagé dans une ancienne décharge, une gigantesque fontaine à spiruline (la verte algue bienfaitrice), une station végétale qui recycle le caca, des cagettes de marché qui se prennent pour des barres d’immeubles ou un potager pop-up. C’est drôle, impertinent, fertile en idées et d’une belle tenue d’ensemble.
C’est un peu moins le cas du côté de Lausanne Jardins, la manifestation qui a inspiré la nouvelle initiative genevoise, lui donnant son mode opératoire: concours international, installations éphémères de juin à octobre, animations parallèles. Mais le festival lausannois, qui en est à sa 5e édition, se concentre sur le seul centre-ville, avec une trentaine de propositions végétales. Il y a des idées remarquables, comme une colline sur pilotis, des minijardins tropicaux dans des flacons de verre, une pelouse verticale qui déborde d’une colonnade, une fabrique à lombrics, des buis sur roulettes imaginés par l’ECAL. D’autres interventions sont moins réussies. Surtout, le propos général n’a pas la densité et l’actualité urgente de l’événement genevois. A l’heure des murs végétaux, fermes-immeubles ou du guerilla gardening, la belle initiative lausannoise des «créations végétales qui métamorphosent la ville» commence un rien à dater. Un nouveau semis d’idées serait ici le bienvenu.