Portrait. Soliste d’un concert donné à la cathédrale de Lausanne, la jeune soprano offre une nouvelle et étonnante dimension au chant lyrique.
La voix est «un geste invisible». Hélène Pelourdeau, 29 ans, parle comme une artiste de la danse.
Chanter en soliste Hör mein Bitten («Entends ma prière») de Felix Mendelssohn, lors d’un concert donné jeudi 10 juillet à la cathédrale de Lausanne, c’est pour elle expérimenter, une fois de plus, que «ce geste englobe tout notre corps et ne se réalise que lorsqu’on trouve le respect de soi». Donc le respect des autres, notamment de tous ses collègues de l’Ensemble vocal Lausanne (EVL) dirigé par Nicolas Farine, avec lesquels sa voix se fond avec bonheur pour interpréter des pièces de Johann Sebastian Bach, Eric Whitacre, György Ligeti et Knut Nystedt.
Titulaire depuis juin dernier d’un master de pédagogie en chant lyrique dispensé par la Haute école de musique (HEMU) de Lausanne, Hélène Pelourdeau, avec la complicité de l’EVL, nous invite à une soirée de prières et de louanges, tissée d’ombre et de lumière, où s’entrechoquent les siècles et les écritures musicales. Une soirée sur mesure pour cette artiste entrée dans le chant dès l’âge de 12 ans au chœur d’enfants de l’Opéra de Paris, avant de rejoindre la Maîtrise de Radio France puis, en Suisse dès 2010, notamment l’ensemble vocal Gli Angeli et l’EVL.
Mosaïque de styles
Une soirée sur mesure? La soprano Hélène Pelourdeau, dont la «voix précise permet d’appréhender une palette de subtilités» selon Nicolas Farine, semble apprivoiser la difficulté avec sérénité. Comme un tireur à l’arc japonais apprivoisant sa corde, sa flèche et sa cible, dans la maîtrise recherchée du non-vouloir. Les difficultés à surmonter ne sont pas minces. A commencer par l’enchaînement des styles: avec Komm, Jesu, komm ou Lobet den Herrn, alle Heiden de Bach (1865-1750), chaque voix, chaque ligne mélodique a intrinsèquement du sens. Tension et détente se succèdent, sans mélange. Avec Nuit ou Lux Aeterna de Ligeti (1923-2006), en revanche, une voix isolée n’a plus de sens. Les dissonances s’empilent les unes sur les autres jusqu’à provoquer des frottements dans le tympan. «Il s’agit de se mettre au service d’une masse sonore. Mieux vaut ne pas s’y perdre», observe Hélène Pelourdeau, heureuse d’avoir été préparée à cette épreuve par ses «maîtres» Gary Magby, Stephan MacLeod et Michel Corboz.
Donner pour recevoir
Autre défi à relever, le passage brutal de l’état de choriste à celui de soliste. «Dans le chœur, les voix des chanteurs et la mienne ne font qu’une. Et tout d’un coup, ma voix, seule, devient un tout.» Etonnante remarque de l’artiste. Se fondre dans le collectif puis s’affirmer dans l’individualité, c’est précisément le voyage initiatique entrepris par l’homme dans le jeu de la mort et de la naissance. Deux sauts, redoutables, mais toujours un seul geste, celui de la vie, au-delà de la naissance et de la mort.
Dans les cours qu’elle dispense à l’école Musique Club de Montreux ainsi que lors de cours individuels privés, Hélène Pelourdeau n’enseigne pas seulement des techniques corporelles. Par l’apprentissage du chant, elle invite ses élèves à (re)découvrir ce qu’ils sont. Bien décidée à rester en Suisse et à y faire ses premières armes de chanteuse lyrique et de pédagogue, la jeune Française a pour seule ambition de redonner au centuple ce qu’elle aura reçu.
Cathédrale de Lausanne, Festival de la Cité. Jeudi 10 juillet, 20 h 30.