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La critique de Luc Debraine: photographie,dieu que la drogue est jolie

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Jeudi, 3 Juillet, 2014 - 05:59

Lors du récent vernissage de l’exposition «Only God Can Judge Me» (c’est plus chic en anglais et en majuscules) du photographe Matthieu Gafsou au Musée de l’Elysée de Lausanne, une responsable de l’institution notait que la représentation de la drogue dans «les médias» cherchait toujours à choquer le regard. L’a priori, pas loin d’être exact, servait d’introduction au propos artistique de Matthieu Gafsou sur la scène de la drogue lausannoise. Trouvant de «la poésie dans la misère» et une «forme d’exotisme à côté de chez lui», le photographe magnifie l’univers de la dope dans des portraits, natures mortes et effets visuels censés traduire les effets hallucinatoires des bien nommés stupéfiants.

Les Lausannoises et Lausannois sous influence ressemblent ainsi à des saints de Zurbarán, les doses de cocaïne à de l’Arte povera, les seringues à de l’op ou du pop art, le sang qui se dissout dans l’eau à de l’expressionnisme abstrait. Le tout sous la tutelle de citations du très tendance mais aussi très fêlé Antonin Artaud.

Bref, c’est de l’art. Tant pis si, formellement, le propos empathique part dans tous les sens, au point d’avoir l’impression qu’il y a plusieurs expositions en une. Cela dit, Matthieu Gafsou est trop talentueux et trop intelligent pour tomber dans la simple complaisance esthétique. Son essai se lit à plusieurs niveaux. Y compris lorsqu’il nous livre un autoportrait sous la forme d’un gros plan sur le creux de son bras ponctué d’une tache de sang. L’ambiguïté est au cœur de la création contemporaine, laquelle évacue les jugements éthiques comme étant hors d’âge.

Reste qu’il est permis de ressentir un malaise face à ce regard picturaliste sur le milieu de l’addiction à Lausanne. Comme si nous n’avions rien compris à sa splendeur cachée, à sa poésie doloriste, à sa marginalité altière. Il y a tout de même un petit problème de responsabilité (oh! le gros mot!) dans ce propos photographique. Surtout dans une ville qui s’avère incapable de lutter contre un désastre social omniprésent, corrupteur et destructeur.

Le rêve doux de la drogue n’est pas choquant, mais sa réalité l’est. A tout prendre, et à prendre parti, je préfère la peinture au noir qu’en font «les médias».

luc.debraine@hebdo.ch / @LucDebraine

Lausanne, Musée de l’Elysée. Jusqu’au 24 août. www.elysee.ch

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Matthieu Gafsou / Courtesy Gallery
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