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«The15Experience», une autre manière de faire peur

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Jeudi, 3 Juillet, 2014 - 05:58

Rencontre. Réalisé par le Genevois Anastase Liaros, ce court métrage paranormal se présente sous la forme d’un site web permettant au spectateur de découvrir l’histoire sous plusieurs angles. Le Neuchâtel International Fantastic Film Festival lui consacre une installation.

Derrière sa tasse de café, Anastase Liaros commence par soupirer. La veille, la Grèce a été éliminée du Mondial brésilien par le Costa Rica aux tirs au but. Pour ce Genevois d’origine grecque, qui a notamment été stagiaire assistant sur le tournage d’Eleni (2004), du grand Theo Angelopoulos, la désillusion est grande. Mais ce n’est pas pour parler ballon rond que l’on rencontre le réalisateur et journaliste, au service depuis plus de sept ans de l’émission d’actualité dominicale Mise au point.

La déception est vite oubliée lorsque Anastase Liaros brandit son téléphone portable pour nous montrer les statistiques du projet The15Experience.com, qu’il a officiellement dévoilé le 15 mai après plusieurs semaines de teasing. Un mois et demi plus tard, ce ne sont pas moins de 178 000 visiteurs uniques qui se sont connectés sur le site. Pas mal pour une production 100% suisse. Avec en outre cette surprise: près de 95% des clics viennent de l’étranger.

C’est après Low Battery, un court métrage réalisé en 2010 qu’il a présenté à Cinéma tous écrans à Genève, puis aux Journées cinématographiques de Soleure, qu’Anastase Liaros commence à élaborer The15Experience.com. Passionné par l’horreur et l’épouvante, genres qui permettent, au-delà de la peur qu’ils sont censés susciter, de toucher à de nombreuses thématiques, il a l’idée d’un projet qui utiliserait les possibilités narratives proposées par l’internet tout en reprenant le principe du found footage popularisé en 1999 par Le projet Blair Witch. A savoir des images qu’on nous présente comme réelles, qui auraient été tournées de manière amateur par les protagonistes du récit eux-mêmes. Le Romand invente alors une histoire de maison hantée, motif constitutif du cinéma d’épouvante, et a cette idée géniale: plutôt que de filmer l’histoire du point de vue d’un des personnages, il prétend que ce que l’on voit a été enregistré par quinze caméras de surveillance. Sur la page web du projet, quinze écrans de contrôle. Au spectateur, dès lors, de réaliser son propre montage en passant d’une caméra à l’autre en fonction de ses envies. Suivre un des quatre personnages, rester dans une seule pièce ou zapper de manière aléatoire, les options qui s’offrent à lui sont multiples. Il peut aussi choisir de suivre un montage prédéfini proposé par «le hacker», un homme masqué se présentant comme la personne ayant réussi à pirater ces caméras de surveillance avant de dévoiler leurs flux en ligne.

Marketing viral

Anastase Liaros souhaitait proposer autre chose. On ne peut plus envisager la Toile comme un simple fournisseur de contenu, estime-t-il. Il faut aller plus loin, permettre aux internautes d’influencer directement le déroulement de l’histoire, ou de choisir ce qu’ils veulent regarder. Pour cet ancien étudiant en lettres, qui a notamment suivi à Lausanne un cursus en histoire et esthétique du cinéma, il est primordial de partir d’une vraie réflexion sur les images et la narration. «Lorsqu’on travaille sur le montage d’un film, il s’agit de déterminer quelle sera la durée de chaque plan, et dans quel ordre ces plans seront agencés. Pour ce projet, le spectateur peut lui-même décider de la durée des plans et de leur succession. Aujourd’hui, on ne peut plus, sur le Net, se contenter d’offrir du prémâché», dit-il en guise de profession de foi.

Avant d’ouvrir son site, Anastase Liaros a, via le hacker, inondé les réseaux sociaux, Facebook, Twitter et autre YouTube, de messages divers et de courtes vidéos. Le pirate masqué y expliquait avoir découvert le code lui permettant de se connecter aux caméras de surveillance d’une maison en proie à des phénomènes paranormaux. Il donne alors rendez-vous aux curieux le soir du 25 mai. Cela s’appelle du marketing viral et cela fonctionne. Le jour J, un millier de personnes se connectent sur le site et voient une fille et trois garçons pénétrer dans la maison. Quarante minutes plus tard, tous n’en ressortiront pas. Les spectateurs ont l’impression d’être voyeurs et d’assister à une performance en direct alors que les images qu’ils découvrent ont en réalité été filmées par Anastase Liaros près de deux ans auparavant avec une seule caméra, d’où, ensuite, un très long travail de montage afin de faire croire à quinze flux simultanés. Le résultat est tellement bluffant que certains prennent ce qu’ils voient pour argent comptant. «Il y a encore des gens qui pensent que le hacker existe vraiment», rigole le Genevois.

Evénement déclencheur

Tourné de manière totalement indépendante avec un budget de 3000 francs, The15Experience.com a fait de son manque de moyens un atout. Pas besoin de soigner tous les détails lorsqu’on fait croire à des images captées par des caméras de surveillance fixes. Et c’est bien connu: pour faire peur, suggérer est souvent plus efficace que montrer. Anastase Liaros conseille quant à lui de vivre cette aventure paranormale tard le soir, dans son lit, les lumières éteintes et avec comme seul compagnon son ordinateur portable. On a testé, c’est efficace! Au cœur du film, un événement violent qui déclenchera d’inexpliqués phénomènes, mais que le réalisateur a choisi de laisser hors-champ, comme si même une caméra de surveillance ne pouvait pas tout voir: un viol. «J’avais envie de montrer qu’un tel drame est si vite arrivé. Pour beaucoup de filles, c’est une vraie angoisse, d’autant plus que la plupart du temps les victimes connaissent le violeur. Ce genre de thématique mérite un traitement artistique.» Ou quand un film peut être angoissant tout en faisant réfléchir.

Dans le cadre du Neuchâtel International Fantastic Film Festival, The15Experience.com se fait installation. Le Théâtre du Passage permettra aux amateurs de frissons de s’immerger totalement dans ce récit d’un genre nouveau. Le 8 juillet, son concepteur en parlera dans le cadre du symposium Imaging the Future. Car c’est bien d’une réflexion sur le cinéma de demain qu’il est ici question.

Neuchâtel International Fantastic Film Festival, du 4 au 12 juillet. www.nifff.ch

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