Zoom. L’écrivain irlando-américain a lancé Narrative 4, un projet d’échange d’histoires, et publie le collectif «Etre un homme».
Qu’est-ce qu’être un homme? Pour Michael Cunningham, c’est un choix, un «costume qui épouse votre peau et, en fin de compte, pénètre votre être même». Pour Khaled Hosseini, c’est le courage d’affronter le cancer de sa femme. Pour Salman Rushdie, la folie qui guette malgré la psychanalyse. Pour Ian McEwan, la force d’assumer femme, enfants, maîtresse, patron. C’est par amitié pour l’écrivain irlando-américain Colum McCann (Zoli, Danseur, Transatlantique) que ces quatre auteurs et 70 autres ont accepté d’écrire un texte répondant à la fameuse question, des textes réunis aujourd’hui par Belfond sous le titre Etre un homme. On y lit aussi Ron Rash, William Kittredge ou Daniel Wallace et quelques femmes, dont Edna O’Brien ou Amy Bloom.
Par amitié et pour soutenir Narrative 4, le nouveau projet de Colum né de son envie de s’investir socialement et des réflexions d’une poignée d’écrivains et de militants sociaux sur le rôle de la littérature et ses liens avec l’action sociale. Réunis l’été dernier dans le Colorado, ils lisent Gandhi, Luther King, et la cinquième nuit se mettent à raconter leur histoire personnelle à leur vis-à-vis. «Tout le monde pleurait», se souvient McCann. Un manifeste sur l’empathie en sort, et un concept génial: inciter les jeunes de tous pays à échanger leurs histoires. «Pour gommer les antagonismes, rien ne vaut le fait de se mettre dans la peau de l’autre. Notre incapacité à comprendre l’autre est au centre de notre faillite collective.»
Une des premières actions de Narrative 4 est de rapprocher des adolescents d’un quartier dur de Chicago d’autres jeunes de Newport dans le Connecticut, une ville blanche cossue ayant été le théâtre d’un meurtre de masse dans une école. McCann s’y rend avec Ishmael Beah, l’enfant-soldat de la Sierra Leone devenu écrivain. «Ceux de Chicago voient 20 meurtres par mois. Les rapprocher a été une expérience unique qui balaie l’antagonisme naturel entre ces deux communautés. Ils sont sortis des idées préconçues qu’ils avaient.» Suivent des échanges d’histoires avec des jeunes de Limerick en Irlande, de Tampico au Mexique, de Port Elizabeth en Afrique du Sud et de plusieurs quartiers de Chicago, où l’association est basée.
Les porteurs des projets au sein de Narrative 4 sont les enseignants. «Ce sont eux les héros. On les forme à l’écoute, on leur donne les outils psychologiques pour susciter ces face-à-face entre les jeunes.»
Narrative 4, soutenu par des dons privés, dont ceux de la Bezos Family Foundation, reste pour le moment un projet anglophone. Mais il ne demande qu’à être élargi à d’autres continents. «Pourquoi pas des échanges entre Genève et le Mali? Québec et Haïti?» Les jeunes ne sont pas les seuls ciblés. «On peut lancer cette dynamique d’échanges d’histoires dans les prisons, dans les entreprises, dans les hôpitaux. Les liens qui se créent sont à vie. On nous reproche parfois notre optimisme: mais l’optimisme mène loin.»
«Etre un homme». Collectif. 75 auteurs réunis par Colum McCann. Belfond, 360 p.