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Houssam Khadour, Damas à la vallée de Joux

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Jeudi, 19 Juin, 2014 - 05:58

Témoignage. L’écrivain syrien Houssam Khadour, auteur des récits de prison «La charrette d’infamie», est l’invité de la Journée des Editions Bernard Campiche le 21 juin. Venu de Damas, il s’exprime dans nos colonnes.

Je suis heureux d’être ici. C’est grâce à la Suisse que j’ai pu publier mon livre La charrette d’infamie: il a paru chez Bernard Campiche l’an dernier grâce à l’écrivaine et traductrice Elisabeth Horem et à son mari Martin Aeschbacher, qui a été ambassadeur de Suisse à Damas. Ce sont eux qui ont eu les premiers entre les mains le manuscrit du livre. J’ai passé quinze ans dans la prison centrale de Damas, de 1986 à 2001, pour «entrave à l’économie socialiste». Mais je suis socialiste! J’étais alors connu pour mon engagement envers les droits de l’homme. J’ai été condamné à mort, puis la peine a été commuée en 1995 à vingt ans d’emprisonnement. La plupart des nouvelles de La charrette d’infamie ont donc été écrites lorsque je pensais ne jamais sortir de prison, et même mourir. Ma femme d’alors, mère de mon fils né en 1983, et moi avons d’ailleurs divorcé. Elle était trop jeune pour rester mariée à un condamné à mort. Lorsque je suis sorti de prison, nous avons essayé de nous remettre ensemble, mais ça n’a pas marché. Elle est artiste peintre et vit en France. Mon fils Ahmed vit depuis dix ans à Chypre. Je suis remarié à une femme que j’adore, Hoda. Elle a vingt ans de moins que moi, je l’ai rencontrée chez des amis après être sorti de prison. Elle est traductrice pour un département de l’administration qui s’occupe de matières premières.

»Mon livre a eu des échos dans Le Monde diplomatique et L’Humanité, et Al Jazeera a traduit en arabe les articles en français. J’ai eu beaucoup de retours. Ce livre fait partie d’une trilogie inspirée par l’univers carcéral parue en arabe et que je suis en train de traduire en anglais. Le second raconte comment dans un pays, on fait entrer les gens en prison pour les guérir de maladies graves dont ils souffrent. C’est ce qu’on nous inculque en Syrie: vous êtes malades, on va vous guérir en prison. Tous ces livres ont été écrits durant ma détention. En quatorze ans, j’ai eu le temps…

»Aujourd’hui, je suis toujours en train de découvrir le retour à la vie. Je suis traducteur pour une revue internationale, Arabic Literature, et secrétaire général de l’association des traducteurs de mon pays. J’habite avec mon épouse à Damas, dans le quartier de Mazzé, près des universités. Depuis le début de la guerre en 2011, la vie est devenue difficile et dangereuse. On ne sort plus de la maison à moins d’y être obligé. L’inflation est terrible, le pain ou les tomates coûtent dix fois plus cher qu’avant. La faute à la guerre mais aussi aux sanctions internationales. C’est une punition injuste qui met le peuple à genoux. Je suis pour un changement démocratique. La solution politique est la seule possible. Il faut commencer par stopper cette violence, séparer les pouvoirs politiques et de la justice, rendre la liberté d’expression possible. Le problème est le financement et l’assistance logistique qui permettent à un terrorisme extérieur de s’installer en Syrie. Les conférences qui ont eu lieu en Suisse font partie d’un processus plus long: il faut continuer. Viendra un jour où tous les partis seront prêts à négocier. Quant au président al-Assad, c’est au peuple de décider de son avenir. Il a ses partisans. Il n’est pas réaliste de l’exclure du processus. L’Occident s’est enfin rendu compte que l’on ne peut pas faire confiance aux partis islamistes. Regardez l’Egypte… Je me considère comme un humaniste avant d’être musulman. La culture est plus importante   que la religion.

»De mes années en prison, il me reste l’impression d’être constamment surveillé, et un besoin d’intimité très grand. Je suis Dieu merci sorti en relative bonne santé de ces années. Partir? La Syrie est mon pays. Si les citoyens le quittent, à qui vont-ils le laisser?

«SUR LES FEUILLES»
Journée des Editions Bernard Campiche. Samedi 21  juin, dès 10 h 30, Le Séchey (vallée de Joux). Rencontre avec Houssam Khadour et Elisabeth Horem à 10 h 45, Grande salle. Rencontres chez l’habitant avec une vingtaine d’auteurs (dont Anne Cuneo, Janine Massard, Alexandre Voisard, Thierry Luterbacher, Sylviane Roche, Julien Burri et Michel Bühler). Dès 14 h. Contes pour enfants dès 10 h 45. Heure musicale à 18 h. Restauration.
www.campiche.ch
«La charrette d’infamie». Récits.
De Houssam Khadour. Bernard Campiche, 198 p.

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Lea Kloos
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