La capitale européenne de la culture 2013 tient enfin ses promesses. Ouverts ces dernières semaines, de nombreux musées et lieux dédiés à l’art sont les jalons d’un parcours estival étonnant dans la cité phocéenne.
Amis de l’art, et éventuellement de la bouillabaisse, c’est à Marseille qu’il faut aller cet été. L’appellation Capitale européenne de la culture n’est pas toujours à la hauteur de son ambition, mais en l’occurrence elle est méritée. L’événement, ou plutôt les centaines d’événements qui composent le programme d’un bout de 2013 à l’autre, n’a vraiment pris son élan qu’en milieu d’année. La réalisation de nouveaux lieux de culture avait pris un retard on ne peut plus méridional. Les organisateurs ont également voulu déployer leur fête en plusieurs étapes. En plusieurs endroits aussi: la capitale européenne a été élargie à la Provence, diluant inutilement le propos. Concentrons-nous sur Marseille et quelques-uns de ses nouveaux musées, musées rénovés, friches transformées en Kunsthalle ou œuvres en plein air, au soleil du Midi. A chaque lieu, une ou des expositions temporaires. C’est un choix. Il y en a d’autres. Beaucoup!
Le Mucem
L’ovni en résille de béton posé au bord de la grande bleue, à l’entrée du Vieux-Port, a ouvert ses portes en juin. Il ne désemplit pas depuis lors. Le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem) est un extraordinaire caravansérail des cultures du Mare Nostrum. Leurs liens sont symbolisés par des passerelles jetées entre le musée et les parties anciennes de la ville. Ils sont surtout montrés dans l’exposition permanente du Mucem, dont l’une des œuvres phares est un buste féminin d’époque romaine prêtée par le Musée d’art et d’histoire de Genève. Le buste, dont l’image est reproduite sur la façade, sert aussi à la communication du Mucem. Genève-Marseille, ou comment le Rhône joue les traits d’union culturels.
A l’étage, l’exposition Au bazar du genre s’interroge avec audace sur les multiples façons d’être une femme ou un homme dans les sociétés méditerranéennes aujourd’hui. En face, c’est encore plus fort. Le noir et le bleu commence par quelques petites gravures cauchemardesques de Goya accrochées à côté d’un gigantesque Miró azuréen. Le propos de l’exposition est donné d’entrée de cause: l’ombre et la lumière, la violence et la civilisation, la part obscure et la part solaire du rêve méditerranéen. Le récit est tissé avec la campagne napoléonienne d’Egypte, Abdel Kader, Lord Byron, Nietzsche ou García Lorca. Mais aussi avec les œuvres de Courbet, Maillol, Picasso, les photos de Le Gray, Luigi Ghirri et Franco Zecchin, lequel clôt l’exposition avec ses terribles images en noir et blanc de la Mafia sicilienne.
A l’extérieur du Mucem, le fort Saint-Jean réhabilité accueille lui aussi des expositions. Dont Les choses de ce côté du monde, des photos et vidéos de huit artistes contemporains qui multiplient les points de vue sur le bassin méditerranéen.
Villa méditerranée
Inauguré en avril, ouvert en juin, ce bâtiment à l’impressionnant porte-à-faux suspendu dans le vide se dresse à proximité immédiate du Mucem. Il est un lieu de débat et de coopération internationale, pour aujourd’hui et demain. Il propose des spectacles, mais aussi des projections-installations comme 2013 en Méditerranée, nos futurs. Le réalisateur Régis Sauder a interrogé des adolescents de Marseille, Tunis, Beyrouth et Izmir sur leur vision de l’avenir. Les vidéos sont projetées dans cinq grandes boîtes aux thèmes différents: «La Méditerranée existe-t-elle?» «Qui sommes-nous?» «Comment vivons-nous?» «Voulons-nous la paix pour demain et comment?» «Quel avenir pour nous?» Les images vidéo s’enchaînent sur toutes les parois des boîtes, créant un effet immersif de circonstance.
Les témoignages sont brefs, intenses, partagés entre espoir et circonspection. La scénographie soignée renforce l’attrait de cette fenêtre ouverte sur l’avenir. A la fois aérien, terrestre et sous-marin, l’espace intérieur de la grande villa blanche est lui aussi un spectacle. Dans la partie supérieure de la villa, le sol est parfois de verre. Le visiteur marche alors 20 mètres au-dessus de la mer…
Palais Longchamp
Rénové, réaménagé, normalisé, climatisé, le Musée des beaux-arts de Marseille trône avec orgueil sur sa colline, au milieu d’un parc. Il accueille jusqu’à l’automne la somptueuse exposition Le grand atelier du Midi. Plus précisément le volet «De Van Gogh à Bonnard» de ce regard pictural sur le Midi, également proposé au Musée Granet d’Aix-en-Provence («De Cézanne à Matisse»). Couvrant la période comprise entre l’arrivée de Van Gogh à Arles et la mort de Matisse, à Marseille l’exposition se concentre sur l’émotion de la couleur et de la lumière, et sur la question de la forme à Aix. C’est dans cet atelier à ciel ouvert, nouvelle Arcadie, que la peinture s’est renouvelée, nous dit la suite de chefs-d’œuvre en provenance du monde entier. Il y a certes des baisses d’intensité, trop de toiles de Théo van Rysselberghe ou d’Emile Othon Friesz. Mais les Van Gogh, Monet, Bonnard, Renoir, Maillol et Seurat reprennent en chœur le mot de Matisse lorsqu’il découvre la Corse en 1898: «Tout brille, tout est couleur, tout est lumière.» Le monde se dissout dans les ocres, les rouges, les bleus et les verts. L’«impression» rétinienne, mais aussi la foi dans un bonheur possible sont omniprésents. L’étrangeté également, comme le suggèrent Soutine et Vallotton. Ou Picasso: «C’est étrange, à Paris, je ne dessine jamais de faunes, de centaures ou de héros mythologiques. On dirait qu’ils ne viennent qu’ici!»
Friche La Belle de Mai
Complexe industriel reconverti en centre culturel, la Friche la Belle de Mai est dotée d’un espace pour l’art contemporain, la Tour-Panorama. Deux étages proposent Des images comme des oiseaux, une sélection de 1000 (!) photographies de la collection du Centre français des arts plastiques. Le propos part dans tous les sens, genres et époques, tentant des dialogues imprévus entre des photos disposées sur de grands plans inclinés et sur les murs. C’est une présentation comme on bat un jeu de cartes, avec ses coups de chance et de déception.
Les deux étages supérieurs sont encore plus déjantés. Les maquettes, sculptures, installations, constructions et environnements postindustriels ou postapocalyptiques de l’atelier néerlandais Van Lieshout retentent le coup du Gesamtkunstwerk, ou œuvre d’art totale. Tout en haut de la tour, dans une salle monumentale, un haut-fourneau attend patiemment d’être mis en marche. Il a l’air neuf. Mais aussi totalement dépassé.
Château Borély
C’est une magnifique bastide historique ceinte d’un grand parc. Restauré, ouvert en juin, le monument du XVIIIe siècle accueille le Musée des arts décoratifs, de la faïence et de la mode. Ce cabinet de curiosités raffinées assemble des collections de céramiques et de verre, du mobilier, des objets exotiques, du design. Il est délicieux de s’y perdre par une chaude journée d’été, en particulier dans le labyrinthe ombré des chambres de Mlles Borély, aujourd’hui transformées en galerie d’étude historique de la mode.
Regards de Provence
Le musée Regards de Provence s’est ouvert le 1er mars dans l’ancienne station sanitaire du port de Marseille, non loin du Mucem et de la Villa Méditerranée. Erigée en 1948, la station était destinée à contrôler l’état sanitaire des voyageurs qui entraient à Marseille. Mais elle n’a guère servi. Le musée présente cet été une exposition sur les débuts dans les années 60 de l’artiste d’origine provençale Bernar Venet, dont les sculptures géantes d’acier sont exposées dans le monde entier. Il a conçu pour Marseille 2013 Désordre, une œuvre monumentale dans le parc-promontoire du Pharo, à l’entrée orientale du Vieux-Port. Les douze groupes d’arc d’acier Corten pèsent dans les 50 tonnes.
On allait oublier
Le FRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur, le MAC (Musée d’art contemporain), Les Terrasses de Kader Attia (une installation sur la digue du Large, habituellement interdite d’accès), les quatre sculptures de Salvador Dalí sur le Vieux-Port et la superbe Ombrière de Norman Foster sur le même Vieux-Port, une folie architecturale au plafond-miroir, dont la fonction est d’amener un peu de fraîcheur dans ce lieu surchauffé et odoriférant (les vendeurs de poissons, à côté).
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