De la reine Berthe à Nicolas Hayek, en passant par Tell, Winkelried, de Flue et Guisan, découvrez les personnalités marquantes de notre pays au fil d’un bon millénaire.
Dossier réalisé par Chantal Tauxe et Patrick Vallélian, avec la participation des historiens Hans-Ulrich Jost, Georges Andrey et Alain-Jacques Tornare, et des rédacteurs Mireille Descombes, Christophe Passer, Luc Debraine, Éric Loup et Pierre-Yves Müller
Qu’est-ce qu’un héros suisse? Pour fêter le 1er Août, L’Hebdo a délaissé les trois Suisses signataires du pacte célébré ce jour-là, et sélectionné une soixantaine de figures historiques emblématiques, ayant eu un comportement héroïque et inspirant. Un choix bien sûr subjectif tant la narration du passé helvétique est fragmentée. Beaucoup de héros ont une renommée cantonale et ne sont révérés que régionalement, peu accèdent au panthéon national, et dans ce cercle restreint des exemples unanimement admirés, il y a beaucoup de mythes fabriqués a posteriori pour les besoins d’une cause et peu de personnes réelles: Guillaume Tell n’a jamais existé, de gros doutes entourent Arnold Winkelried, et si l’on est bien certain que Nicolas de Flue a été ermite, le mythe du saint protecteur de la neutralité est une construction du XXe siècle (lire l’article de Hans-Ulrich Jost).
Incarnation de l’esprit de résistance pendant la Seconde Guerre mondiale, le Vaudois Henri Guisan, nommé au poste de général le 30 août 1939, est un des rares héros célébrés par tous les Suisses, contrairement à son prédécesseur de 1914-1918, le très controversé Ulrich Wille. L’historiographie revisitant les raisons pour lesquelles le pays a été épargné par le conflit, ou précisant les risques pris notamment dans ses contacts avec l’état-major français, n’a guère écorné son image. Son concept du «réduit national» séduit toujours. Il reste l’archétype national du dirigeant proche du peuple, droit dans ses bottes mais chaleureux. Un héros militaire paradoxal puisqu’il ne livra jamais bataille même s’il instilla chez les Suisses le sentiment qu’il était prêt à combattre jusqu’au dernier carré replié dans les Alpes.
Peuple de mercenaires sans monarchie conquérante, la Suisse affiche ainsi une belle brochette de héros militaires. Il est plus difficile d’identifier des héroïnes, puisque longtemps le rôle des femmes fut laissé dans l’ombre. Il en existe pourtant, souvent pionnières du féminisme qui s’opposèrent aux préjugés séculaires avec un courage et une détermination dignes de soldats montant au front.
Enfin, nous avons surpondéré les héros issus des cantons romands, afin de les faire mieux connaître des autres Confédérés. Bonne fête du 1er Août et bonne lecture!
?-957/961
La reine Berthe
Souveraine
Samedi 6 décembre 1947: à l’Hôtel de la Paix de Lausanne, Charles-Albert Cingria signe son nouveau livre, La reine Berthe et sa famille (906-1002). Est présent le général Guisan, à qui l’auteur dédicace l’un des premiers exemplaires de ce brillant travail d’érudition richement illustré. L’ouvrage demeure une référence. Il prend place dans la querelle des médiévistes sur l’historicité de Berthe. Cingria, respectable latiniste, part en guerre contre l’école «criticiste». Il écrit: «Il faut détruire ce préjugé que tout est faux dans la reine Berthe et que l’acte de Payerne est une imposture.» Aujourd’hui, la thèse dominante, c’est que la fondatrice de l’abbaye est non pas Berthe, mais sa fille Adélaïde. Quant à l’expression «du temps où la reine Berthe filait», elle date du XVIIe siècle: c’est une image pour signifier la femme forte de la Bible, à la fois active et protectrice, équitable et charitable.
Autour de 1291
Guillaume Tell
Mythe
Pendant longtemps, des générations d’historiens se sont disputées quant à l’authenticité de l’existence de Tell et de Winkelried. La tendance actuelle est d’en faire de pures légendes, alors que, du point de vue déontologique, la rigueur scientifique voudrait qu’on dise simplement: «On ne sait pas!» Quoi qu’il en soit, les deux héros nourrissent l’imaginaire collectif depuis plus d’un demi-millénaire. C’est dire la solidité des mythes fondateurs de la Suisse médiévale. Un fait est établi: l’acte de Tell tirant la pomme sur la tête de son fils aurait pu, techniquement, se produire. En effet, aucun merveilleux médiéval,
ni miracle, ni action divine quelconque n’interviennent dans le fameux récit. En outre, l’arbalète est en usage depuis longtemps au XIIIe siècle. On peut voir dans l’exploit tellien un hommage à cette arme aussi précise que prisée, et si redoutable que Rome – en vain – l’avait condamnée entre chrétiens comme «perfide». Sous cet angle, Tell tuant Gessler viole un interdit pontifical.
Vers 1300-1360
Anna Seiler
Bienfaitrice
Peu de Suissesses peuvent se targuer d’avoir une statue à leur nom. Anna Seiler figure sur une fontaine bernoise en reconnaissance du don de sa fortune, de son vivant déjà, en 1354, à une fondation dont le but était de créer un hôpital «éternel». Sur le site internet de l’Inselspital figure aujourd’hui encore le testament de cette bienfaitrice, marquée par les horreurs de la peste qui décima la ville en 1349.
Autour de 1386
Winkelried
Mythe
Au panthéon helvétique, Arnold Winkelried incarne la version militaire de l’héroïsme patriotique, Guillaume Tell la version civile. Les deux hommes – leur existence, réelle ou supposée, importe peu en ce cas – rivalisent dans la beauté du geste: la famille est au centre de la tragédie. De fait, sur le champ de bataille de Sempach (1386), Arnold, avant de se sacrifier pour la victoire en se jetant dans la mêlée afin d’ouvrir une brèche dans les rangs de l’ennemi, confie sa femme et ses enfants à ses compagnons d’armes. Leçon exemplaire de courage et d’altruisme à l’origine de fondations sociales au XIXe siècle. Pionnière, une Société Winkelried est créée en Suisse romande en 1860. Présidée par le général Henri Dufour, elle a pour but de venir en aide aux femmes et aux enfants des militaires blessés ou morts en service. En 1886, demi-millénaire de la bataille, une Fondation fédérale Winkelried œuvre dans le même sens sur le plan national. Elle est toujours active aujourd’hui.
1478-1547
Catherine von Zimmern
Religieuse
Zurich, dimanche 14 mars 2004: ce jour-là, en présence de la conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey, un monument est inauguré dans le cloître du Fraumünster (collégiale Notre-Dame). Il rappelle le souvenir de Catherine von Zimmern, dernière abbesse du couvent et «seigneure» (Stadtherrin) de la ville des bords de la Limmat. Le 30 novembre 1524, afin, dit-elle, «d’épargner de graves troubles» à la cité de Zwingli, elle décide de remettre aux autorités civiles le prestigieux édifice fondé en 853, ainsi que toutes les riches propriétés monastiques afférentes. Cette sécularisation marque un moment fort du courant de la Réforme en Suisse, ainsi que du rôle des femmes dans cette révolution religieuse de dimension européenne.
1509-1564
Jean Calvin
Religieux
Un fou de Dieu que ce Jean Calvin, un amoureux du ciel ce professeur picard… Chassé de Genève, puis rappelé et revenu à contrecœur, ce réformé sur le tas voulut faire de la ville du bout du lac une nouvelle Jérusalem, une ville sainte, en changeant radicalement le comportement social de ses concitoyens. Avec succès, puisque Genève devint le centre de formation du protestantisme francophone et qu’elle servit de rampe de lancement au calvinisme, au capitalisme et même au français classique. Amen.
1600-1669
Jean Henri Waser
Diplomate
Moins connu aujourd’hui que le Bâlois Wettstein (1594-1666), le Zurichois Waser, son contemporain, rivalise avec lui en notoriété comme diplomate. Si Wettstein représente la Suisse au Congrès de Westphalie qui, en 1648, reconnaît la quasi-indépendance du pays, Waser conduit en 1663 l’imposante délégation helvétique reçue solennellement à Paris par Louis XIV pour jurer le renouvellement de la Paix perpétuelle de 1516. Une tenture fameuse immortalise cet acte diplomatique. Au sein de la Diète fédérale, les deux hommes sont omniprésents: Wettstein y siège une bonne centaine de fois, Waser 180 fois! Leurs points communs: ils sont des négociateurs hors pair et bourgmestres de leur ville respective. Waser est aussi apprécié pour ses talents de médiateur et de pacificateur, notamment en 1653 quand, au nom de la Diète, il prend langue avec la Ligue du peuple, fer de lance de la «grande guerre des paysans». Les insurgés obtiendront quelques concessions en matière fiscale et administrative.
1670-1723
Jean Daniel Abraham Davel
Révolutionnaire
Le major se révolte contre les autorités bernoises qui occupent le canton de Vaud depuis 1536, s’érigeant en porte-parole d’un mécontentement latent à l’égard du gouvernement de Leurs Excellences. Mais sa tentative de marcher sur Lausanne laisse la population indifférente. Il est décapité à Vidy. Ce n’est qu’au XIXe siècle que sa figure de libérateur incompris et son acte héroïque seront réhabilités, notamment lors du centenaire de l’Indépendance vaudoise en 1898.
1712-1778
Jean-Jacques Rousseau
Ecrivain
Probablement plus BHL que Voltaire, plus girouette qu’homme de convictions – il passa du protestantisme au catholicisme et vice versa –, plus écrivain que père – il abandonna ses enfants –, Rousseau fait l’objet d’un véritable culte qui se développe après sa mort, surtout pendant la Révolution française. Les temps modernes lui doivent Les confessions, Les rêveries d’un promeneur solitaire, La nouvelle Héloïse, Emile ou de l’éducation, probablement le romantisme et surtout de solides plaidoyers pour la démocratie.
1734-1792
Charles-Joseph Bachmann
Militaire
Le roi Louis XVI a toujours pu compter sur le major Bachmann, de Glaris, l’âme du régiment des Gardes suisses, qu’il commandait au quotidien depuis 1766. Et cela lui coûta sa tête. Il mourut guillotiné le 3 septembre 1792 après avoir défendu les Tuileries lors de la journée sanglante du 10 août 1792. Il fut vengé par son frère Nicolas-François, commandant en chef des troupes confédérées, qui contribua à l’écrasement définitif du fils de la Révolution en envahissant la Franche-Comté en juillet 1815.
1740-1781
Pierre-Nicolas Chenaux
Révolutionnaire
Pierre-Nicolas Chenaux voulait renverser, en mai 1781, le pouvoir patricien du canton de Fribourg. Il meurt, assassiné par un traître. Un échec? Plutôt non. La contestation Chenaux crée un précédent en remettant en cause des institutions légitimées par l’Eglise et en répandant les germes de la démocratie. Passant par Genève, il finira par emporter l’Ancien Régime jusqu’à Paris en 1789. Pour le meilleur et pour… l’Empire.
1743-1793
Jean-Paul Marat
Révolutionnaire
Jean-Paul Marat aurait vécu une jolie petite carrière de médecin à Paris et auprès du frère du roi sans la Révolution française. Mais voilà, ce Neuchâtelois qui n’aimait pas Neuchâtel voulut participer à la fête démocratique après avoir publié, entre autres, Les chaînes de l’esclavage (1774). Il fonde Le publiciste parisien, qui prend très vite le titre de L’ami du peuple. Cette publication rédigée tout entière par lui devient rapidement un pamphlet. Et Marat, partisan des mesures de plus en plus radicales, devient l’un des théoriciens les plus écoutés du peuple parisien. Ce qui vaut à ce jacobin enragé pas mal d’inimitiés. Il meurt, assassiné, par Charlotte Corday. Dans son bain. Député à la Convention nationale, il avait voté la mort de Louis XVI.
1743-1810
Louis d’Affry
Politicien
Serviteur de la Suisse, le général fribourgeois Louis d’Affry le fut assurément. Sans ce diplomate de haut vol, le pays aurait brûlé dans les flammes de la guerre civile au début du XIXe siècle. Il comprit à la chute de la République helvétique qu’il fallait laisser Napoléon remodeler le pays avec son Acte de médiation. Il en deviendra le premier landamann et lui donnera les conditions-cadres qui ont permis à la Suisse d’évoluer et d’apparaître telle que nous la connaissons aujourd’hui.
1746-1827
Johann Heinrich Pestalozzi
Pédagogue
Ecrivain à succès à ses débuts, pacifiste, naturaliste, journaliste, intellectuel, Pestalozzi fut surtout un pédagogue de premier plan qui créa en 1805 un centre pédagogique au château d’Yverdon. Un centre qui profita de l’élan de la Révolution française, puis de l’Empire, pour se faire une réputation internationale. Le Zurichois fonda également la Société suisse pour l’éducation avant de voir son œuvre s’écrouler, confrontée à des problèmes économiques. Le centre ferme en 1825 à l’instigation du gouvernement vaudois, malgré le prestige grandissant de son fondateur, ses récompenses et ses amitiés royales. Nul n’est décidément prophète en son pays…
1752-1828
Isaac de Rivaz
Inventeur
A Isaac de Rivaz (1752-1828), les automobilistes reconnaissants, devrait-on lire au sujet du bourgeois de Saint-Gingolph qui entrevit, dès 1775, le développement de l’automobile. Cet homme politique – chancelier d’Etat et député à la Diète fédérale suisse – hanté par le «démon de la découverte» eut une activité expérimentale débordante. Vers 1780, il invente une machine typographique, puis mène, dès 1782, des recherches pionnières relatives à la voiture à vapeur et à la propulsion des bateaux. Il eut l’idée de breveter à Paris le 30 janvier 1807 un moteur à explosion utilisant un mélange hydrogène-oxygène dont un prototype fut expérimenté publiquement à Vevey en 1813. Mais à l’époque, il passait pour un fou.
1754-1838
Frédéric-César de La Harpe
Révolutionnaire
Ce patriote sauve deux fois son canton du joug bernois, grâce à ses contacts internationaux, dont témoigne son abondante correspondance. En 1798, en obtenant la protection des Français pour libérer le Pays de Vaud, et en 1815 au Congrès de Vienne. Le tsar Alexandre Ier, dont il fut le précepteur, récuse les prétentions des Bernois à reprendre possession de leurs terres de l’Ancien Régime.
1755-1824
Charles Pictet de Rochemont
Diplomate
Officier, juge, militant politique, industriel, agronome, éleveur, traducteur, essayiste, éditeur, magistrat, c’est finalement comme diplomate que l’hyperactif patricien genevois Pictet, devenu Rochemont par alliance, s’impose à la postérité. A ce titre, il réussit à faire de Genève un canton suisse et de la Suisse le pays neutre que l’on sait. Dans le premier cas, il négocie l’agrandissement territorial de la Genève de l’Ancien Régime et, par là, sa soudure avec les frontières helvétiques. Dans le second, il est chargé par les grandes puissances réunies à Vienne et à Paris de rédiger la déclaration solennelle du 20 novembre 1815 aux termes de laquelle «la neutralité et l’inviolabilité de la Suisse et son indépendance de toute influence étrangère sont dans les vrais intérêts de la politique de l’Europe entière». Ce statut de neutralité dite permanente et armée, respecté par toutes les parties et bientôt bicentenaire, est toujours valable aujourd’hui.
1773-1850
Jean-Victor de Constant Rebecque
Militaire
Homme de guerre farouchement hostile à la Révolution, le cousin de Benjamin Constant fut l’artisan méconnu de la défaite finale de Napoléon à Waterloo. Par vengeance! Sous-lieutenant aux gardes suisses, Jean-Victor de Constant Rebecque avait échappé de justesse au carnage du 10 août 1792 avant de réorganiser, vingt ans plus tard, l’armée du royaume de Hollande. Contre l’avis de Wellington, il fait conserver le point stratégique des Quatre-Bras pour assurer la liaison entre l’armée anglo-néerlandaise et l’armée prussienne ainsi que la défense de la route de Bruxelles. On connaît la suite: Blücher, que Ney ne peut prendre à revers, arrive à temps à Waterloo, mais pas Grouchy. Napoléon a perdu.
1777-1869
Antoine-Henri Jomini
Militaire
Son Précis de l’art de la guerre, publié en 1838, est encore étudié de nos jours dans les écoles militaires. C’est que ce général, Payernois d’origine, a roulé sa bosse sur tous les champs de bataille de l’époque napoléonienne. D’abord au service de Bonaparte, puis au service du tsar dès 1813. Sa science des opérations lui vient d’une connaissance fine de tous les auteurs militaires qui l’ont précédé. Ses contemporains le considéraient comme l’égal de Clausewitz. Au Congrès de Vienne, il intercéda en faveur de la neutralité suisse, «rattachée aux plus hautes combinaisons de la politique européenne».
1784-1817
Jean Louis Burckhardt
Aventurier
Ce Vaudois mériterait assurément un roman tant sa vie fut aventureuse et méconnue en Suisse. Né à Lausanne, probablement converti à l’islam, Burckhardt a passé une bonne partie de sa vie à découvrir la Syrie, le Liban, l’Egypte, l’Arabie. Sous le pseudonyme de Cheik Ibrahim, il met au jour la cité disparue de Pétra en 1812 – bien avant Indiana Jones – et transfère en Angleterre la tête d’une statue de Ramsès II (1816). Il laisse des descriptions inédites des régions visitées.
1787-1875
Guillaume-Henri Dufour
Général
Fils d’horloger, le plus célèbre Genevois après Rousseau et Dunant réussit un exploit: sa vie aussi riche que longue (88 ans) fait penser à une belle montre suisse au mécanisme complexe à souhait et pourtant toujours bien réglée. Celui que les manuels campent en général a été beaucoup plus que cela. Voici la liste de ses activités, reflet des talents multiples d’un homme hors du commun: officier du génie dans l’armée française, ingénieur cantonal à Genève, professeur à l’Académie (maths, géométrie, géodésie, hydraulique), constructeur de ponts suspendus, urbaniste, aménagiste, cofondateur et instructeur de l’Ecole centrale militaire de Thoune, dessinateur de la carte suisse éponyme, planificateur ferroviaire, député libéral genevois, membre du consistoire de l’Eglise nationale, député à la Diète et à l’Assemblée fédérale, cofondateur et premier président du futur CICR, auteur d’un Cours de tactique et d’autres écrits, etc. Le tout exercé avec le goût du travail bien fait et le sens de la réussite, y compris dans sa vie privée. En somme, un Suisse exemplaire!
1803-1880
Johann August Sutter
Pionnier
Le nom de Sutter restera à jamais associé à l’un des épisodes les plus célèbres de l’histoire des Etats-Unis: la ruée vers l’or en Californie. Déjà propriétaire d’un vaste domaine agricole qu’il a baptisé Nouvelle-Helvétie, John Sutter aurait pu devenir encore plus riche, ce 24 janvier 1848, quand l’un de ses ouvriers trouve un filon d’or dans l’American River. Un événement qui le dépasse, le laisse sans réaction. Le secret n’étant pas tenu, la nouvelle se répand très vite dans la région puis dans le pays, avant d’atteindre le reste du monde. Comme Sutter n’a aucun droit sur ce filon, il ne peut que subir l’invasion des chercheurs d’or. Une foule qui envahit, ravage et pille aussi son domaine. Sutter, qui avait fui le canton de Berne en 1834 afin d’échapper à la prison pour faillite, mourra dans la pauvreté.
1808-1878
Maurice Barman
Politicien
Héros radical du Bas-Valais, c’est lui qui mène, en 1840, les troupes à la victoire contre le Haut sécessionniste. Mais la messe n’est pas dite. Après la défaite du Trient en 1844, il doit s’exiler à Bex. La chute du Sonderbund en 1848 lui assure un retour triomphal. Devenu conseiller d’Etat, il peut mettre en pratique ses idées de progrès et d’égalité.
1814-1890
Henri Nestlé
Entrepreneur
Bien des étrangers ont apporté à la Suisse certains éléments étroitement liés à son image. Parmi les plus célèbres, Henri Nestlé, promoteur du chocolat au lait et ancêtre de la multinationale établie à Vevey où il conçoit, dès 1867, la farine lactée pour enfants. Ce fut le début du groupe Nestlé. Né en 1814 dans une riche famille de Francfort-sur-le-Main en Allemagne, c’est en qualité de réfugié qu’il arrive en 1833 en Suisse où il acquiert la bourgeoisie de Vevey en 1874. Il invente également un procédé pour la fabrication de ciment Portland et de pierres artificielles.
1819-1882
Alfred Escher
Politicien et entrepreneur
Zurich, samedi 22 juin 1889: inauguration en grande pompe, devant l’arc de triomphe de la gare, du monument dédié à Alfred Escher, enfant de la ville mort en 1882 à l’âge de 63 ans et artisan du chemin de fer du Gothard et de son fameux tunnel, alors le plus long du monde. Tout le gratin politique suisse est là. Eloges dithyrambiques du baron du rail, banquier et magistrat. Le Romand Cérésole, ancien président de la Confédération, célèbre son idéal de démocratie républicaine. Même la Société ouvrière zurichoise, qui avait prévu de protester contre l’érection du monument, renonce à sa manifestation et reconnaît la qualité de l’œuvre du sculpteur Kissling. C’est qu’aux yeux de la majorité de l’opinion et de la classe politique, Escher incarne en tout bien tout honneur la symbiose harmonieuse du pouvoir et de l’argent. Ce triomphe en appellera un autre, celui, sept ans plus tard, de l’Exposition nationale suisse de Genève de 1896, symbole de l’ordre instauré en 1848 par les pères fondateurs de la Confédération moderne.
1826-1899
Marie Goegg-Pouchoulin
Féministe
Sans elle, pas de femmes à l’Université de Genève. Cette fille d’horloger puise ses idées révolutionnaires dans les milieux de réfugiés politiques, alors nombreux en Suisse. En 1872, elle recourt au droit de pétition pour demander au Grand Conseil d’autoriser les filles à accéder à la haute école. Auparavant, en 1868, membre de la Ligue internationale pour la paix et la liberté, elle crée l’Association internationale des femmes, dont les activités seront interrompues par la guerre franco-allemande de 1870. En 1873, avec la Bernoise Julie von May von Rued, elle met sur les rails l’Association internationale pour la défense des droits de la femme. Ses revendications? L’égalité des droits entre hommes et femmes et le droit de vote.
1828-1910
Henri Dunant
Humanitaire
Assurément le héros suisse qui a eu le plus d’importance dans l’histoire du monde. Epouvanté par la sauvagerie de la bataille de Solférino, cet homme d’affaires altruiste développe l’idée de constituer des sociétés de secours pour les militaires blessés au combat tout en garantissant la protection du personnel soignant. L’idée est révolutionnaire. Elle n’aurait toutefois pas connu la même postérité sans le soutien de Gustave Moynier. Le rôle du président de la Société genevoise d’utilité publique dans l’essor du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), créé il y a tout juste cent cinquante ans, est moins universellement connu.
Fin du XIXe siècle
Heidi
Mythe
Descendue en droite ligne de la montagne des bons sauvages, Heidi incarne bien le mythe de cette Suisse, sans doute et sans reproche. De cette Suisse à la vie simple, proche de la nature, saine, nourrie au bon air des Alpes et au lait des chèvres et des vaches… Du plus vrai que nature qui vaut à Johanna Spyri, l’auteure de ces récits alpestres, d’avoir été la J. K. Rowling de la fin du XIXe siècle. Depuis, Heidi, Chaperon rouge à croix blanche, symbole de cette Suisse enfant et rurale dans une Europe adulte et industrialisée, a été mangée à toutes les sauces par de grands méchants loups: cinéma, télévision, radio, scène, dessin animé…
1845-1880
Joseph-Samuel Farinet
Voleur
Robin des Bois montagnard, le Farinet? C’est en tout cas ainsi que Ramuz le décrit dans son roman Farinet ou la fausse monnaie, paru en 1932. La réalité est bien différente. Voleur, repris de justice, faux-monnayeur traqué, manipulateur sans scrupules, il est abattu par la police malgré le soutien d’une partie de la population, subjuguée par son charisme.
1853-1901
Emilie Kempin-Spyri
Féministe
Nièce de Johanna Spyri, l’auteure de Heidi, elle est la première Suissesse à s’immatriculer à l’Université de Zurich pour faire des études de droit. Son doctorat en poche en 1887, elle n’obtient pas le droit de devenir avocate. Son recours au Tribunal fédéral, fondé sur l’article 4 de la Constitution («Tous les Suisses sont égaux devant la loi»), n’est pas admis. Les juges trouvent son interprétation «aussi nouvelle qu’audacieuse». Il faudra encore près d’un siècle pour que l’égalité entre hommes et femmes soit inscrite dans la charte fondamentale.
1863-1943
Alexandre Yersin
Médecin et explorateur
Sa vie est un roman, comme on s’en aperçoit à la lecture de Peste & choléra, de Patrick Deville, qui a retracé la fabuleuse aventure scientifique et humaine du Vaudois. Ce médecin à l’Institut Pasteur, avide de quitter les laboratoires pour aller sur le terrain, découvre le bacille de la peste en 1894, auquel il donne son nom (Yersinia pestis) à la faveur d’une épidémie qui ravage Hong Kong. En parallèle à ses activités de chercheur, il se prend de passion pour l’Indochine. Il y devient explorateur, entrepreneur et bienfaiteur (fondant la première école de médecine à Hanoï). Aujourd’hui encore, à Nha Trang, un musée honore sa mémoire.
1870-1937
Marguerite Gobat
Pacifiste
La femme est l’avenir de la paix. Tel fut le credo de Marguerite Gobat, cofondatrice et collaboratrice de l’Union mondiale de la femme pour la concorde internationale (1915-1920 env.). Pédagogue engagée, journaliste, elle a créé un home pour enfants à Macolin en 1928 (le Champ du Plâne).
1874-1960
Henri Guisan
Général
Né un an avant la mort du général Dufour, Henri Guisan est le second Romand à commander l’armée suisse moderne (1939-1945). S’il n’a ni la virtuosité ni la polyvalence du Genevois, le Vaudois, terrien par nature, s’impose par l’assurance et la constance, la fermeté et la prévisibilité, d’où la confiance qu’il inspire. On retient aussi de lui sa popularité des deux côtés de la Sarine: il parle non seulement l’allemand standard, appris outre-Rhin, mais aussi le dialecte alémanique. Surtout, il cultive le contact avec le peuple, au point que même les socialistes lui rendront hommage. Il est homme de terrain plus que de cabinet. Durant la guerre, il incarne la volonté de résistance, donnant ainsi des gages aux Alliés face aux puissances totalitaires de l’Axe. Son départ à la retraite en 1945 ne le jette pas dans les oubliettes de l’histoire. En témoignent ses funérailles du 12 avril 1960, fréquentées par 300 000 personnes, record absolu de l’histoire suisse.
1878-1941
Louis Chevrolet
Entrepreneur
«Never give up!» («N’abandonnez jamais!»). Le credo de Louis Chevrolet est gravé sur son buste-mémorial du circuit d’Indianapolis. D’abord adulé aux Etats-Unis en raison de son intrépidité au volant d’une voiture de course, le natif de La Chaux-de-Fonds a fondé en 1911 à Detroit sa propre marque automobile. Elle est aujourd’hui la quatrième au monde, présente sur tous les continents. Et le nom Chevrolet est inscrit au plus profond de la culture américaine. Y compris avec le raccourci Chevy.
1879-1955
Albert Einstein
Scientifique
Bon, c’est vrai, Einstein n’est pas au premier abord le prototype même du héros suisse. Et pourtant, vous auriez tort. Tout d’abord, le Prix Nobel de physique avait un passeport à croix blanche et, ensuite, il a longtemps vécu à Berne et à Zurich, dont il est docteur de l’université, avant d’émigrer aux USA en 1935. La faute à Hitler.
1879-1962
Pierre Gilliard
Professeur
Précepteur des enfants du dernier tsar de Russie, le Vaudois est connu pour les photographies qu’il réalisa des Romanov et ses témoignages sur la tragédie impériale. Il parvient néanmoins à survivre aux massacres de la Révolution et rentre en Suisse en 1920, après trois ans de séjour dans une Sibérie à feu et à sang. Un authentique exploit.
1884-1962
Auguste Piccard
Aventurier
Qui se souvient que le premier astronaute de l’histoire était… un Piccard? Bien avant le ballon et la main de Dieu de son petit-fils Bertrand, Auguste fut le premier homme à atteindre la stratosphère. En ballon, avec cabine étanche. C’était en 1931. Il récidiva en 1948, sous l’eau cette fois-ci. Il construisit le premier bathyscaphe, puis un second qui descendit en 1960 à l’endroit le plus profond connu dans l’océan. Mieux encore, ce professeur de physique à l’EPF de Zurich, puis à l’Université libre de Bruxelles inspira le dessinateur Hergé qui en fit le professeur Tournesol.
1887-1961
Blaise Cendrars
Ecrivain et aventurier
Du héros, l’écrivain chaux-de-fonnier en a la geste et le nom. La bourlingue jusqu’au bout du monde et la main coupée, abandonnée quelque part en Champagne en 1916. Difficile de ne pas tomber sous le charme de celui qui porta la plume en épée et la gouaille en haut fait. Et donna ici une leçon de ponctuation à Apollinaire et là de séduction à Henry Miller. En 2013, cent ans après La prose du Transsibérien, la Pléiade lui offre une ultime médaille en publiant ses œuvres complètes.
1887-1965
Le Corbusier
Architecte
Le Corbusier fait partie de ces génies qui, par leurs contradictions, nous rappellent qu’ils sont humains. On oubliera donc sa mégalomanie urbanistique et ses compromis idéologiques pour retenir l’humaniste des temps modernes, l’architecte visionnaire, l’inventeur de l’unité d’habitation et le promoteur du plan libre, le théoricien et le praticien capable d’intervenir à toutes les échelles, à la recherche d’une esthétique résolument contemporaine nourrie tout à la fois par les machines et le monde naturel.
1888-1962
Gottlieb Duttweiler
Entrepreneur
Adepte du capital à but social, ce Zurichois a créé en 1925 une des rares institutions non étatiques du pays, familière à tous ses citoyens: la Migros. D’abord des camions avec des denrées de première nécessité à prix bas, puis les magasins. Il a également fondé un parti politique, l’Alliance des indépendants, mêlant fibre entrepreneuriale et préoccupations sociales. A Berne, il siégea dans les deux Chambres, vingt-quatre ans au total.
1891-1972
Paul Grüninger
Révolté
Il fut un temps où les commandants de police cantonale ne volaient pas des pierres archéologiques à l’étranger, mais sauvaient des vies. Mais eux étaient licenciés par leur employeur puis condamnés par la justice. Tel fut le cas de Paul Grüninger, patron de la police saint-galloise, qui laissa entrer plusieurs centaines de réfugiés juifs sur le territoire national entre 1938 et 1939. Il ne fut réhabilité qu’en 1995 par le Tribunal de district de Saint-Gall. A titre posthume.
1895-1975
Carl Lutz
Diplomate
A lui tout seul, Carl Lutz a sauvé – en partie – l’honneur de la Suisse de la Seconde Guerre mondiale. N’écoutant que son courage après l’occupation de la Hongrie par l’armée allemande, notre consul à Budapest réussit à mettre plus de 62 000 juifs à l’abri d’une mort certaine dans les camps d’extermination nazis en leur donnant des lettres de protection suisses et en les hébergeant dans 72 refuges. Lutz est inscrit, comme de nombreux autres Suisses, sur la liste des Justes.
1896-1980
Jean Piaget
Pédagogue
Directeur de l’Institut Jean-Jacques Rousseau, professeur de psychologie, de sociologie, de philosophie des sciences d’histoire de la pensée scientifique, de psychologie expérimentale, directeur du Bureau international d’éducation, fondateur et directeur du Centre international d’épistémologie génétique, mais aussi écrivain, penseur, le CV du Neuchâtelois Jean Piaget est long comme un jour sans café. Mais c’est aussi et surtout un des pédagogues les plus respectés de l’histoire qui a révolutionné les conceptions de la pensée de l’enfant. Un des scientifiques les plus importants du XXe siècle.
1903-1997
Ella Maillart
Ecrivain et voyageuse
D’abord sportive d’élite (elle représenta plusieurs fois la Suisse aux Jeux olympiques), cette Genevoise devient voyageuse à une époque où se déplacer hors d’Europe tient de la folle aventure. Une manière de s’émanciper qu’elle partage avec Annemarie Schwarzenbach. Ses récits de voyage en Russie, en Orient et en Extrême-Orient, empreints d’une quête spirituelle, ont été traduits dans plusieurs langues. Ella Maillart, établie à Chandolin dès l’après-guerre, a inspiré des envies d’ailleurs à des générations de lecteurs.
1911-1988
Erna Hamburger
Ingénieure
Etre femme dans un monde d’hommes, Erna Hamburger en prend vite l’habitude. Née en 1911 en Belgique, elle étudie au gymnase à Lausanne, avant d’entrer à l’Ecole d’ingénieurs de cette ville où, en tête de sa volée, elle obtient un diplôme d’ingénieur électricien, puis un doctorat en 1937. Il lui faudra toutefois attendre encore trente ans avant de devenir, en 1967, la première femme professeur ordinaire au sein d’une école polytechnique en Suisse. Parallèlement à une brillante carrière académique, Erna Hamburger s’est battue pour défendre l’accès des femmes aux études supérieures et pour promouvoir les valeurs qui lui tenaient à cœur, soit l’alliance entre l’humain, la technique et l’environnement.
1912-2000
Jeanne Bueche
Architecte
Cette Jurassienne avait deux passions: la sculpture et l’architecture. En pionnière, elle fit de la seconde son métier. Diplômée de l’EPFZ en 1935, elle a ouvert son propre bureau à Delémont en 1944, devenant ainsi la première femme architecte de Suisse romande à travailler à son compte. Forte et personnelle, son œuvre est marquée par des influences diverses telles que le classicisme d’August Perret ou la modernité rationaliste des nordiques. Spécialisée dans l’architecture religieuse, domaine à l’époque exclusivement masculin, Jeanne Bueche a réalisé ou rénové dans les années 50, 60 et 70 de nombreuses églises et chapelles, collaborant avec des artistes de renom comme Fernand Léger, Bissières ou Maurice Estève. Elle fut également la cofondatrice de l’Association pour la sauvegarde du patrimoine rural jurassien.
1913-2011
Elisabeth Eidenbenz
Humanitaire
Elisabeth Eidenbenz a sauvé, entre 1939 et 1944, plus de 600 enfants, notamment juifs et tziganes, fuyant les persécutions nazies. Cette institutrice et infirmière de profession les accueillit avec les moyens du bord dans un manoir de la ville d’Elne, dans le sud de la France. Au mépris du danger et des rafles de la Gestapo. Elisabeth Eidenbenz fait partie des Justes.
1914-1966
Hermann Geiger
Aventurier
Tour à tour mécanicien, policier, surveillant de l’aérodrome de Sion, Hermann Geiger s’est fait un nom en réussissant, le 10 mai 1952, le premier atterrissage sur glacier avec un avion. Une révolution qui permit de sauver des milliers de vies en accélérant le sauvetage en montagne. Surnommé le pilote des glaciers, Geiger mourut lors d’un vol d’instruction. Bêtement. Sur la piste de l’aérodrome de Sion.
1916-1941
Maurice Bavaud
Révolté
Il faut tuer Adolf Hitler pour éviter un bain de sang. Maurice Bavaud avait compris avant tout le monde les pages noires qu’allait écrire le dictateur allemand dans le livre de l’histoire du monde. En octobre 1938, il tente à plusieurs reprises de l’approcher pour l’assassiner. Las, il est arrêté en novembre parce qu’il voyage sans billet. Remis à la Gestapo, il reconnaît alors avoir eu l’intention de tuer le monstre. Condamné à mort, il déclare qu’il considérait Hitler comme un danger pour l’humanité. Il est guillotiné en 1941.
1921-1993
Roland Béguelin
Politicien
C’est l’homme d’un canton… Celui du Jura, entré en 1979 dans la Confédération, que Roland Béguelin, infatigable homme de convictions, mit sur les rails dès les années 50. L’œuvre d’une vie. Ce fils d’une secrétaire et d’un ouvrier horloger est d’ailleurs en 1947 un des fondateurs du Mouvement séparatiste jurassien, devenu le Rassemblement jurassien (RJ) en 1951, avant d’être nommé rédacteur en chef du Jura Libre dès 1950 et secrétaire général du RJ. Le seul échec de ce militant de gauche fut la séparation des deux Juras. Le Sud, où il était né, préféra finalement rester bernois.
1921-2010
Lise Girardin
Politicienne
Première femme maire de Genève (1968, 1972 et 1975), première Suissesse à occuper une telle fonction, cette politicienne affiliée au Parti radical fut aussi la première à pousser la porte du Conseil des Etats en 1971.
1924-2011
Emilie Lieberherr
Politicienne
Pionnière féministe, elle est la première femme à siéger à l’exécutif de la ville de Zurich – de 1970 à 1994 –, et aussi la première à représenter Zurich au Conseil des Etats de 1978 à 1983. Chargée des Affaires sociales, cette socialiste, têtue, est aussi à l’origine de la politique de la drogue des quatre piliers.
1925-1991
Jean Tinguely
Artiste
Fils d’ouvrier, le Fribourgeois Jean Tinguely est l’artiste suisse le plus important de la seconde moitié du XXe siècle. Avec Eurêka, à la fois sculpture et machine conçue pour l’Exposition nationale suisse de 1964 à Lausanne, la figure de proue du Nouveau Réalisme marque les esprits, la notion de «machine à Tinguely» s’imposant même alors dans le langage courant. Les installations aux engrenages imprévisibles de ce précurseur du recyclage constituent un vibrant pamphlet contre le progrès et son effrénée course à la consommation.
1928-2010
Nicolas Hayek
Entrepreneur
D’origine américano-libanaise, naturalisé en 1964, ce consultant sauve l’horlogerie suisse, mise à mal par la concurrence du quartz japonais en restructurant la production et en pariant sur la production de la Swatch, une fine montre en plastique comptant seulement 51 pièces (au lieu des traditionnelles 91, voire plus). C’était il y a tout juste trente ans. Ce succès mondial, nourri par le goût de la créativité et un marketing impeccable, a permis au groupe Swatch de restaurer toute la gamme du savoir-faire horloger helvétique. Il a ainsi démontré que la Suisse pouvait développer une place industrielle forte face à ceux qui ne voulaient croire qu’à son inéluctable déclin.
1929-1998
Nicolas Bouvier
Ecrivain et voyageur
Il y a cinquante ans sortait L’usage du monde, le récit d’un voyage initiatique entre Genève et l’Afghanistan. Dans l’indifférence quasi générale. Depuis, l’œuvre de Nicolas Bouvier est devenue un livre culte et un appel à courir… le monde. Ce qui n’empêcha pas le Genevois à la voix basse, au verbe lent et à la pensée perçante de nous offrir d’autres bijoux comme Chronique japonaise (1975) ou Le poisson-scorpion (1985).
1933-2013
Heinrich Rohrer
Scientifique
Si l’infiniment petit n’a bientôt presque plus de secrets pour nous, c’est assurément grâce au physicien Heinrich Rohrer, colauréat avec Gerd Binnig d’une moitié du prix Nobel de physique de 1986. C’est en effet ce Saint-Gallois qui mit au point le microscope à effet tunnel. Une révolution.
1936-1971
Jo Siffert
Coureur automobile
Parce qu’il était une revanche, le petit gars de la Basse-Ville de Fribourg qui avait réussi à remonter le funiculaire et à gagner des grands prix. Parce qu’il avait battu le meilleur d’entre tous, Jim Clark. Parce qu’il était un style avant que cela devienne un genre: cool et sauvage, classe, popu et intrépide. Parce que son accident fatal fut dès lors par ici l’équivalent émotionnel de celui de Senna au Brésil. Parce qu’il avait compris que sa manière de vivre, c’était de n’avoir pas peur de mourir.
1936-1998
Jean-Pascal Delamuraz
Politicien
Le conseiller fédéral vaudois reste le grand inspirateur de l’élan suisse vers l’Union européenne, puisqu’il œuvre au dépôt de la tant décriée demande d’adhésion à l’UE en mai 1992. L’histoire ne lui a pas encore donné raison, mais ce radical a su mêler comme peu d’autres le sens de l’Etat, la vision à long terme des intérêts de la Suisse et une conception moderne de la souveraineté. Lors du vote sur l’Espace économique européen le 6 décembre 1992, ce fédéraliste fut désavoué par le peuple de justesse, plus nettement par les cantons, mais il demeura debout, gardant le cap, illustrant la capacité de résilience des conseillers fédéraux devant la défaite populaire. Ministre de l’Economie snobé par les milieux d’affaires zurichois, il fut aussi un des premiers à se révolter contre le pouvoir exorbitant des banques.
1936-2013
Claude Nobs
Entrepreneur
En mai 2012, le fondateur et directeur du Montreux Jazz Festival était sur la scène mythique de l’Apollo Theater de Harlem et recevait l’ovation de sa vie. Celle de la Jazz Foundation of America, qui honorait pour la première fois de son histoire un non-Américain. Mais aussi celle de tous les fantômes: Miles et Ella, Count ou Nina. Il avait inventé pour eux le meilleur festival jazz, pop, rock planétaire. Il en avait fait autre chose qu’un bastringue de musiques: un partage, une ouverture aux autres, une fraternité dansante. Il a fait rêver ce pays à des millions d’auditeurs dans le monde qui savaient que là-bas, à Montreux, se jouaient d’impossibles notes bleues.
Pour en savoir plus
Le site du dictionnaire historique de la Suisse est une mine d’informations en trois langues: www.hls-dhs-dss.ch
Les ouvrages de Georges Andrey, «L’histoire de la Suisse pour les nuls» (Edtions First) et «Suisse romande: une histoire à nulle autre pareille» (Editions du Belvédère), mettent en perspective la trajectoire de maints héros.
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