Zoom.La Riviera vaudoise? Une fanfare nomade qui se cherche à chaque fois d’autres projets et aires de jeu. Cette fois, son spectacle inventé de toutes pièces lorgne du côté de Lewis Carroll, dans un rêve associé aux rythmes de danseurs de claquettes.
Dominique Rosset
Il y eut tout d’abord l’épopée des «Virtuoses» montrés à 32 reprises entre 2005 et 2006 et qui fit ensuite l’objet d’un feuilleton de la TSR de plusieurs épisodes. Plus de 16 000 spectateurs découvraient avec émotion le film de Mark Herman – racontant le destin d’une fanfare britannique sous l’ère Thatcher, sur fond de crise minière – doublé, en live, par les musiciens déterminés et solidaires de la Riviera vaudoise. A sa manière, la fanfare de la région morgienne s’inventait un destin. «Après une expérience aussi forte, il était difficile de se contenter de concerts traditionnels, remarque Philippe Blanc, instigateur du projet. D’autant que, contrairement à d’autres fanfares, ce brass band vaudois n’est rattaché ni à une commune ni à un lieu ou un public précis.»
Après l’aventure du film, ce fut une plongée dans l’histoire. En 2007, la fanfare marquait les 100 ans de CarPostal par les représentations d’une Valse à trois tons évoquant, bien sûr, le klaxon emblématique des routes de montagne helvétiques. En 2011, elle faisait «son cirque» en envahissant le chapiteau du cirque Helvetia, avec des comédiens et des membres de l’Ecole de cirque de Lausanne. Puis cette fanfare sans port d’attache s’invitait, avec la complicité de la CGN, dans quinze ports lémaniques, entourant une créature aquatique et mythique incarnée par le comédien Oers Kisfaludy.
Le tempo des êtres
«Cette fois, nous avons voulu associer nos musiques à la danse», se réjouit Philippe Blanc, «et sur les thèmes conjugués du rêve et du temps», précise Pierre Chastellain qui, auteur-compositeur bien connu de la scène romande dans les années 80, s’est vu confier l’écriture du livret. Les trente musiciens, exclusivement cuivres et percussions, partagent donc la scène avec des comédiens ainsi que les dix-huit jeunes danseurs de claquettes de la troupe lausannoise de Fabrice Martin.
Fil rouge du spectacle, le temps est personnifié par Alice, incarnation de l’horloge parlante de l’Observatoire chronométrique de Neuchâtel, qui va se rebeller contre la dictature des secondes, des minutes et des heures. Mais les gardiens du temps veillent à la remettre au travail, capturer à nouveau les paramètres implacables qui rythment, encadrent et régissent l’activité humaine. Escale en Grèce, chez le dieu Chronos, tentative de vol du méridien de Greenwich, voyage dans l’espace et, enfin, rencontre d’un horloger du Jura capable d’inventer une montre plus indolente et sereine, une montre qui suit le tempo des êtres plutôt que de leur imposer le sien.
«Où va le temps quand il passe?» Il file, coule, se perd ou musarde, il remonte les époques ou se tient suspendu. Dans ce spectacle, il joue à l’élastique et permet l’irruption de personnages et d’univers contrastés et, par là, un choix musical très éclectique. De la célèbre introduction du Zarathoustra de Richard Strauss au Libertango de Piazzolla en passant par l’illustration visuelle et sonore d’un gigantesque coucou suisse, sans oublier West Side Story ou Pink Floyd, les musiciens de la Riviera vaudoise et leurs complices, percussionnistes pédestres, offrent une fresque sonore tour à tour solennelle, rutilante ou effrénée.
Au-delà du spectacle, c’est bien l’histoire d’une aventure collective dans laquelle des instrumentistes amateurs et chevronnés se sont laissé convaincre, une fois de plus, que le temps n’a rien à perdre, qu’il est simplement à prendre et à donner.
Cossonay. Théâtre du Pré-aux-Moines. Ve 9, sa 10 et 17, 20 h. www.theatrepam.ch
Reprises en septembre.