Zoom.Le papier a de l’avenir, comme le prouve le lancement de plusieurs revues, dont «Splotch!», une «pataugeoire de bande dessinée» animée par quatre jeunes auteurs romands.
Humour, fantasy, polar, vécu, reportage, récit historique, roman graphique, manga… et on en passe. La bande dessinée est plus riche que jamais, ce qui est réjouissant. Revers de la médaille, parmi les milliers d’albums qui sortent chaque année (plus de 4000 l’an dernier!), la plupart passent complètement inaperçus. D’où cette grande question, lancée par nombre d’auteurs comme une bouteille à la mer: comment exister même lorsqu’on ne publie rien, ou que son album a été pilonné parce que trop peu vendeur aux yeux de l’éditeur qui avait décidé de le commercialiser? Plusieurs d’entre eux ont répondu à cette interrogation en ouvrant un BD-blog, site personnel leur permettant de dévoiler leur travail sur un rythme régulier, comme un perpétuel work in progress.
En 2005, on se souvient par exemple qu’un certain Frantico s’était fait un nom grâce à un site hilarant faisant la part belle à l’autofiction. On apprendra un peu plus tard que derrière ce pseudonyme se cachait un auteur bien établi, à savoir Lewis Trondheim, même si celui-ci ne l’a jamais avoué publiquement.
De la poésie à la BD
Toujours en quête de nouveaux modes d’expression, le Français a lancé en septembre dernier la revue Papier, un trimestriel dans lequel se côtoient auteurs confirmés et jeunes talents. Dans la foulée sortait le premier numéro de La Revue dessinée, autre trimestriel mais consacré, lui, à la BD documentaire. Et déboulait, un mois plus tard, le bimestriel AAARG!. A croire que, après des années d’expérimentations numériques, le support papier cherchait à reprendre le pouvoir, comme au bon vieux temps de Spirou, Pilote ou Métal hurlant. Heureuse nouvelle, la Suisse romande a aussi sa revue: elle s’appelle Splotch! et son premier numéro est disponible depuis quelques semaines.
Pas de star du neuvième art helvétique derrière cette «pataugeoire de bande dessinée» imprimée sur papier journal, mais un jeune dessinateur de 23 ans bouillonnant d’idées et débordant d’enthousiasme. Or, rien ne prédestinait Henri Mayer à se lancer dans cette aventure qu’il qualifie volontiers de suicidaire, même s’il y croit dur comme fer. Educateur à mi-temps dans une fondation vaudoise pour handicapés, il avoue une passion très précoce pour la BD, mais davantage en tant que lecteur que dessinateur.
«Adolescent, je me suis mis à la poésie et j’ai même écrit un roman que j’ai tenté de faire publier», rigole-t-il en expliquant avoir eu un déclic à la fin du gymnase, il y a trois ans. Après quelques mois entièrement consacrés au dessin, à raison de huit heures par jour, il décide de préparer un dossier pour les beaux-arts. Mais voilà qu’il apprend qu’il va devenir père. A défaut d’études artistiques chronophages, il décide alors de se lancer en autodidacte et de créer une revue.
Trois numéros pilotes
Ils sont finalement quatre à essuyer les plâtres du premier numéro de Splotch!. Aux côtés d’Henri Mayer, une diplômée de la prestigieuse Ecole supérieure des arts de Saint-Luc, en Belgique, et deux autres autodidactes. Des élégants récits à la dimension philosophique d’Aurélie Tièche aux petits strips humoristiques très «trondheimiens» de Maud Oïhénart, en passant par les expérimentations de Yannick Lieber, qui a dû lire Chris Ware, Splotch! offre un bel aperçu, sur cinquante pages, de ce qu’est, au XXIe siècle, la BD. Henri Mayer s’est, quant à lui, investi dans une longue histoire en trois parties, Monsieur Volant, qui rappelle par son ton et son graphisme très libres Fred et son fameux Philémon.
Après trois numéros pilotes – le deuxième paraîtra en juillet –, Henri Mayer espère pouvoir monter une vraie structure et pérenniser Splotch!, une pataugeoire qui pourrait alors permettre à de nombreux jeunes auteurs de faire leurs premières brasses. On attend la suite avec impatience.
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