Impermanence. Voici des histoires au parfum d’iode, de sucre brun et de sang. Nous sommes à Okinawa, au Japon, entre champs de canne à sucre et plages de corail. L’écriture de Medoruma Shun (né au Japon en 1960) traduit la porosité entre le monde des vivants et celui des morts. Entre cruauté et beauté. Tout y est ambivalent, impermanent et passager, donc riche de sens, dans la plus pure tradition japonaise. Normal dans un archipel qui peut, à tout instant, être bouleversé par les éléments, tsunami ou tremblement de terre.
Dans la très belle première nouvelle (qui donne son titre au recueil), l’âme d’un jeune homme, Kôtarô, a quitté son corps pour contempler la mer. Dans l’attente désespérée du fantôme de sa propre mère, tuée sur cette plage par un soldat japonais. Depuis, le corps inconscient du jeune homme, délaissé par son âme, est habité par un bernard-l’ermite. L’animal prend de plus en plus de place dans sa cage thoracique.
Le récit oscille entre mélancolie et horreur, bizarrerie et cocasserie. Le lecteur en éprouve autant de sentiments. «Personne ne peut réellement comprendre comment les gens vivent et meurent», peut-on lire dans La mer intérieure. L’écrivain approche un peu ce mystère dans ses écrits. Il sait aussi raconter avec beaucoup de talent l’enfance et l’adolescence, entre violence et fragilités.