Femmes, femmes, femmes. Stéphanie Janicot, rédactrice en chef de la revue Muze, a créé, pour sa trilogie La mémoire du monde, une héroïne-narratrice hors du commun. Merit, petite-fille du médecin du pharaon Aménophis III, boit un filtre d’éternité. Elle devient du coup à la fois un personnage romanesque, l’allégorie de la pensée occidentale qui évolue avec les époques et la porte-parole de l’auteure. C’est à travers ses yeux d’âme libre que nous parcourons les millénaires. Et découvrons la manière dont les hommes se sont approprié le monde en prenant le pouvoir sur l’éducation, les religions, les lois.
Fille d’Américano-Taïwanais, Pauline Chen suit dans son Pavillon rouge le destin de Daiyu, provinciale de 17 ans accueillie en 1721 à Pékin au sein de la famille de sa mère qui vient de mourir. Elle plonge dans une résidence de femmes fastueuse mais rigide. Et tentera d’échapper aux relations inextricables qui constituent le tissu social de l’élite impériale.
L’Egypte contre la Chine. D’un côté, la Chine du XVIIIe siècle, et un clin d’œil appuyé à un classique de la littérature chinoise de l’époque, Le rêve dans la pavillon rouge, de Cao Xueqin, dont Pauline Chen reprend la trame avec finesse. De l’autre, l’Egypte, un siècle av. J.-C. puis mille ans d’histoire qui défilent à grande vitesse: Rome, la Gaule, la Judée, la Bretagne, et même la Chine et Bagdad à la rencontre des grands esprits qui ont façonné l’histoire de la pensée: Cicéron, Sénèque, Merlin, Avicenne. Chez Stéphanie Janicot, l’histoire n’est pas une toile de fond, c’est un personnage qui évolue, accélère, se cherche, sans jamais nous perdre en route.
Et nous, et nous, et nous. Ces deux pavés historiques, parfaits pour la parenthèse estivale, remplissent leur contrat romanesque. Mais, de ce combat de supergirls, Stéphanie Janicot avec sa Mémoire du monde sort gagnante. Sa manière originale d’explorer les sources de notre pensée occidentale, de répondre à la question «Pourquoi je pense comme je pense?» à travers l’accumulation des pensées collectives qui la composent, est irrésistiblement concernante.
