Frédéric Lopez triche ou pas? Quand il y a de l’émotion dans le poste, elle a toujours l’air fabriquée. La télévision passe pour un univers tellement cynique qu’y découvrir une larme ou une voix qui craque a toujours mauvaise réputation. Si les gens se laissent aller, c’est qu’on les y pousse, qu’on se sert d’eux, qu’on les piège forcément.
Frédéric Lopez s’est toujours fait massacrer. Car il y a évidemment du fabriqué dans La parenthèse inattendue, sur France 2, dont l’animateur-créateur vient d’annoncer la fin au mois de juin. Ricanements et ironies médiatiques poursuivent l’émission depuis dix-huit mois. Un moulin de campagne en Seine-et-Marne, un bout de ruisseau, trois personnalités qui ne se connaissent pas se retrouvent au galetas à parler de leur enfance, à pêcher, se faire à manger, décor vintage cambrousse, bibelots patinés, vieux disques qui traînent, etc. Le concept comme l’endroit sont mis en scène pour les confidences.
Frédéric Lopez a eu un coup de génie avec Rendez-vous en terre inconnue, concept lancé dès 2004, où il emmenait une personnalité qui découvre une fois dans l’avion vers quels destination, culture et peuple lointains on l’emmène. L’homme a saisi la déstabilisation formidable du vrai dépaysement, du décalage total: paumée complètement ailleurs, la vedette perd le contrôle, s’émerveille, s’ouvre et se découvre.
Frédéric Lopez creuse ainsi le sillon, ou le filon. Son coup de la campagne proche est du même tonneau que le désert africain. Dépaysement égale confidences. On y a vu récemment Jean Reno s’effondrer en évoquant son père, Stéphane Bern y raconter les cruautés familiales comme il ne l’avait jamais fait, et les audiences sont bonnes (1,7 million de téléspectateurs). Lopez regarde, questionne à peine, tapi dans l’ombre, sourit vaguement comme le chasseur à l’affût des souris dans le galetas. Il a l’air gentil, alors il passe pour un faux gentil puisque la télé est réputée ontologiquement méchante et manipulatrice.
Frédéric Lopez est sous-estimé. C’est un talent authentique de savoir laisser venir, de faire en sorte que les vedettes lâchent l’affaire de la promo et du contrôle de leur image pour dire un peu de déchirure intime. Ce n’est pas la télé qui ment, ce sont les gens dans la télé. Entre parenthèses, Lopez devrait faire venir Anne Sinclair dans son moulin à vérités.