L’Opéra de Lausannea confié la tragédie de Verdi «Luisa Miller» au metteur en scène Giancarlo del Monaco et au chef Roberto Rizzi Brignoli. Efficace.
lyrique Une famille tranquillement installée dans le salon, à l’heure du thé. Ce tableau, constitué de statues en plâtre blanc, occupe le plateau au début de Luisa Miller, illustration de l’aspiration commune aux deux êtres qui voudraient vivre leur amour mais vont bientôt en mourir, d’un excès d’intrigues, sous les yeux du public. L’idéal familial se met lentement à glisser vers le fond de scène et, grâce à une machinerie bien huilée et incurvée, se retrouvera finalement dans les cintres. Le projet familial demeure visible mais irrémédiablement inaccessible. Le jeu des manipulations peut alors commencer. Il est terrible. Il est surtout porté par des voix grandioses, un chœur charpenté et équilibré, un orchestre aux timbres chatoyants.
Dans la fosse, le chef Roberto Rizzi Brignoli fait merveille. Sur scène, décors et costumes imposent le noir des codes sociaux, des conventions, des intrigants – un noir brillant, laqué, luxueux. Et quelques éléments blancs: les amoureux, les fleurs offertes, l’espérance victime. L’effet est beau. Trop beau, cependant, étant donné ce que cache un drame dans lequel la perversité des êtres est beaucoup plus complexe et terrifiante que ne le laisse entrevoir cette opposition certes efficace mais sommaire de «non-couleurs».
Qu’ils soient pères, gens de pouvoir ou amoureux, chacun des protagonistes concourt, d’une manière plus ou moins consciente et volontaire, à l’accomplissement du désastre. C’est en cela seulement que, au-delà du temps qui nous sépare de sa création, en 1849, Luisa Miller conserve sa raison d’être. Un joyau lyrique, certes, mais aussi un coup de projecteur sur la violence familiale ordinaire.
Lausanne, Opéra. Ve 28 à 20 h & di 30 à 15 h.