Le nouveau roman d’Yves Tenret, «Fourt»,raconte la dérive d’une bande de gosses dans la Belgique des années 60. Un récit irrévérencieux, un style époustouflant.
Sept gamins de Bruxelles, en internat à la campagne, prennent le train pour rentrer chez eux durant les vacances. C’est le début des années 60, la Belgique connaît une historique grève générale. Les marmots, cabochards, effrontés, bavards et bagarreurs, descendent du train pendant le trajet pour s’inviter chez les tantes de l’un d’eux, histoire de goûter à une cuisine meilleure que la vilaine pitance servie dans leur pensionnat, où on les bat, les humilie, où on tente de les dresser.
Ils ne reprendront pas le train mais rejoindront la capitale en une dérive faite de mille péripéties, de confrontations avec l’autorité, d’actes de rébellion, de participations à émeute, de destructions, de goinfrades, de beuveries juvéniles, d’infractions et d’atteintes à la propriété.
Fourt (zut, en bruxellois), le nouveau roman d’Yves Tenret, tient à la fois de Quick et Flupke, les deux garnements dessinés par Hergé, et de Zéro de conduite, le film libertaire de Jean Vigo, histoire d’une joyeuse révolte d’enfants. Il est dans la même veine, mais ce sont ses propres souvenirs d’enfance qui ont inspiré à l’auteur, né en 1948 à Bruxelles, cet époustouflant récit.
Un récit au style si bien maîtrisé qu’il fait perdre au lecteur sa position de voyeur, l’entraîne au milieu des mômes, lui fait voir ce qu’ils voient, renifler ce qu’ils sentent, couler la morve au nez, attraper l’accent belge. C’est une chose rare, un travail d’orfèvre. Précision dans le choix des mots, variations mélodiques, syntaxe syncopée, argot bruxellois: le souffle est puissant, bouscule, balaie toute retenue, toute pudeur. Nous sommes du même parti que ces enfants, faits de la même chair, nous sommes eux, les adultes ont été submergés, ils ont perdu. Fourt est un chant d’insoumission.
«Fourt». D’Yves Tenret.
Médiapop Editions, 123 pages.