Dans «Un homme, ça ne pleure pas», l’auteure française passe à côté d’un sujet pourtant en or: une Emma Bovary fille d’immigrés maghrébins.
Roman. La famille Chennoun – un couple d’immigrés maghrébins et leurs trois enfants, nés en France – habite Nice. Le père, tout de droiture tendre, est cordonnier, la mère, ogresse des sentiments, est femme au foyer. De solides principes et de l’amour: voilà ce qu’ils ont à offrir à leurs enfants. Pour le reste, qu’ils se débrouillent. Un homme, ça ne pleure pas est le roman d’une génération charnière, la deuxième, appelée à faire souche. Un travail de schizophrène, qui consiste à adopter les codes ambiants sans rejeter ceux légués par les parents, garants de l’honneur et de la religion. Dounia, l’aînée, se révolte, rompt avec les siens qui, pour elle, sont des liens.
La rebelle devient avocate.
Dounia tranche abruptement le livre, via la voix du narrateur, Mourad, le frère, qui est prof dans un collège classé en Zone d’éducation prioritaire. La petite sœur, Mina, mariée à un Français arabe comme elle, est un modèle d’orthodoxie et d’ennui.
On tient là l’ébauche d’un roman plus que sa forme achevée. Les bons mots et l’émotion ne font pas un drame. La thèse tue la psychologie, le simplisme efface la complexité. Faïza Guène entendait-elle «combattre les clichés», ce fléau dont pâtiraient les habitants des «quartiers populaires»? L’ennui, c’est qu’elle en fournit treize à la douzaine, des clichés.
Avec Dounia, sujet en or, il y avait pourtant matière à façonner une Emma Bovary d’aujourd’hui, fille d’immigrés ambitieuse, mal dans ses escarpins. Mais pour arriver à cela, il aurait fallu travailler l’écriture, renoncer au «je» au profit d’un narrateur omniscient, penser contre soi, mettre de côté son ressentiment. On peut être méchant en littérature, à condition de ne pas s’épargner.
De Faïza Guène. Ed. Fayard, 315 p.