Le Suédois, ex-star des ninetiesà l’univers singulier, vient présenter en Suisse son 9e album. Décryptage.
Son premier album portait bien son nom. En 1997, Whiskey distillait une musique délicieusement enivrante. Avec son trip-hop doucement jazzy, ses airs de crooner pop évanescent, Jay-Jay Johanson s’imposait comme l’une des voix du millénaire déclinant. Dix-sept ans plus tard, le Suédois a quelque peu disparu des radars. Même s’il reste toujours très prisé de la critique et qu’il peut compter sur un noyau de fans fidèles, avec lesquels il communique via les réseaux sociaux, il n’a jamais véritablement décollé alors que certains lui prédisaient une grande carrière. Mais les voies de la musique sont impénétrables.
Après avoir un temps vécu en France et flirté avec une certaine jet-set artistique, Jay-Jay Johanson a retrouvé sa Suède natale, où il fait nuit très tôt – «un environnement idéal pour créer», dit-il. Quelques mois après la sortie de Cockroach, un neuvième album suave sur lequel il renoue avec la pop lyrique et mélancolique de ses débuts, le chanteur s’arrête en Suisse pour deux concerts, dont une date romande à Vernier, dans le cadre du festival Antigel. Mais qui est réellement ce dandy insaisissable, ce crooner érudit à la voix d’ange? Réponse en quatre chansons qu’il n’a pas écrites mais qui le définissent.
«Blue Trombone». Né Jäje Johanson en 1969, dans la petite ville de Trollhättan, le Suédois suit des études d’art et se fait remarquer par un label alors qu’il est graphiste dans une agence de communication. Il devient alors Jay-Jay, un prénom qui, au-delà de son homonymie avec celui que ses parents lui ont donné, renvoie à Jay Jay Johnson. Tromboniste jazz que l’on peut entendre aux côtés de Miles Davis, Charlie Parker et Sonny Rollins, l’Américain signe en 1957, avec Blue Trombone, un album considéré comme l’un des premiers manifestes hard bop. C’est à son père que Jay-Jay Johanson doit sa découverte du jazz, cette musique très libre qui le marquera au point de venir parasiter – pour le meilleur – nombre de ses arrangements.
«Chetty’s Lullaby». Jazz toujours. Jäje a 15 ans lorsque son père l’emmène applaudir un certain Chet Baker. «Il monte sur scène, fuit la lumière des néons, se met à chanter d’une voix triste et sensible… C’est devenu mon dieu. J’ai décidé de lui ressembler», racontait récemment le chanteur au Monde. Si les morceaux de Jay-Jay Johanson émeuvent tant, si leur mélancolie prégnante nous est si indispensable, c’est ainsi parce que, toujours, derrière la silhouette élancée de leur interprète, plane l’ombre de l’inoubliable compositeur de Chetty’s Lullaby.
«Starman». Comme l’homme des étoiles chanté par David Bowie en 1972, Jay-Jay Johanson semble venu du ciel prêcher ici-bas la parole pop. Lunaire, énigmatique, insaisissable, on l’a affublé de nombreux adjectifs pour souligner son originalité. A l’instar de Bowie, il cultive un goût pour la transformation – voir son look très Diamond Dogs pour l’album Antenna en 2002 – et le changement d’apparence. Sage blondinet à l’époque de Whiskey, il est aujourd’hui mi-dandy mi-prolo, à la fois classe et passe-partout. Insaisissable, comme le Thin White Duke.
«Sour Times». Lorsque Jay-Jay Johanson sort du néant, l’heure est au trip-hop, ce mélange de pop, d’électro et de psychédélisme venu d’Angleterrre, et dont il devient le plus célèbre porte-parole sur le continent européen. Plus que la rage sèche de Tricky ou les beats savants de Massive Attack, le Suédois rappelle, par son approche jazzy, on y revient, les Portishead de Sour Times. Il y a dans sa voix la même profondeur qui a fait de Beth Gibbons l’égérie trip-hop des milieux branchés.
«Cockroach». Universal. En concert le 6 février à Zurich (Moods) et le 7 à Vernier (Salle des fêtes du Lignon) dans le cadre du festival Antigel. www.antigel.ch
