A 17 ans, la gamine d’Auckland, révélation pop, va définitivement exploser en 2014. Elle a plus que le talent d’être la fille du moment: du génie.
Si ça ne sonnait pas terriblement vieux, on dirait que cette fille laisse baba. Oui, complètement baba: Lorde a jailli de nulle part, c’est-à-dire de la banlieue d’Auckland, Nouvelle-Zélande, un endroit plus réputé pour ses marins et ses moutons que comme avenir de la pop. Car l’avenir de la pop, c’est Lorde.
Le 26 janvier prochain, lors de l’annuelle cérémonie des Grammys, à Los Angeles, elle pourrait même entrer dans l’histoire de la musique. Alors qu’elle n’a sorti qu’un seul album, Pure Heroine, à 16 ans, fin septembre dernier, elle est nominée quatre fois. Pour l’enregistrement de l’année, le meilleur album pop, la meilleure performance solo pop, et la meilleure chanson de l’année. Le comble, dès ces nominations annoncées, c’est qu’il s’est trouvé d’autres artistes pour protester, jugeant que Lorde aurait mérité des nominations supplémentaires. Lily Allen s’est ainsi scandalisée de ne pas voir sa collègue en compétition dans la catégorie de la meilleure nouvelle artiste.
A quoi ressemble cette musique: une sorte de mix entre du Lana Del Rey épuré, débarrassé du marketing, un peu de la Canadienne Grimes, du Lily Allen pour l’efficace, un rien de Sky Ferreira: electro pop, ambient, une sorte d’underground léger et arty, en apesanteur totale, présence immédiate de cette voix limpide et posée très en avant du mix.
Côté paroles, angoisses d’époque et de fin de l’adolescence, anxiétés romantiques et prise de distance critique, voire quelques vacheries en interview, vis-à-vis de tout ce qui ressemble à la culture mainstream ou à de la pop formatée Disney ou Bieber (volée d’insultes sur internet en retour, elle s‘en fiche). Elle a même refusé, il y a quelques mois, de faire les premières parties de Katy Perry.
Contrat à 13 ans. Elle est née fin 1996 près d’Auckland, sous le nom d’Ella Maria Lani Yelich-O’Connor, ce qui était compliqué pour faire artiste. Ancêtres croates et irlandais, maman qui fait poétesse et papa ingénieur. Elle a 5 ans quand on la met dans un petit cours de théâtre et chansons, elle y prend goût. Elle aime bien être «autre chose qu’elle-même», chercher ses «diverses personnalités» et s’est trouvé un pseudo, Lorde, par tendresse ironique envers l’aristocratie. Elle a ajouté un e pour faire plus fille.
En 2009, elle participe avec un camarade à un spectacle scolaire. Le daddy du copain est si sidéré qu’il contacte quelques agents artistiques et repéreurs de talents. Elle a 13 ans lorsque le géant Universal lui fait signer un contrat. A partir de là, elle travaille avec des songwriters pour parfaire son style. Fin 2012, elle estime qu’elle est prête et poste sa chanson Royals sur la plateforme SoundCloud. Bien avant la sortie officielle (au printemps suivant), le titre devient numéro un en Nouvelle-Zélande puis aux Etats-Unis. La machine est en route, le buzz devient mondial en quelques semaines.
Fin septembre dernier, Pure Heroine, premier album, est publié et sidère l’ensemble de la critique par sa cohérence et sa maturité. Influences? Elle cite les livres de Raymond Carver ou de Sylvia Plath pour leur «sens de la phrase», les poèmes de Walt Whitman, des chansons de Leonard Cohen. Et puis la soul tendance Etta James ou Otis Redding pour l’intensité, Prince et Kanye West pour leur créativité. Enfin, la bande-son du deuxième épisode de Hunger Games, l’embrasement est illuminée par sa reprise ahurissante et sombre du tube de Tears for Fears, Everybody Wants to Rule the World: tout le monde veut gouverner le monde. On en est là. Le règne de Lorde commence.