Il y a dans le mot pittoresque l’ancienne référence transalpine au «pittore», le peintre. A cet égard, et si l’on ose dire, Olivier Lovey joue sur les deux tableaux. Exposées à la Galerie Focale de Nyon, ses somptueuses photographies des traditions valaisannes multiplient les références picturales, de l’Ecole de Savièse aux effets de clair-obscur des artistes nordiques du XVIIe siècle. Une nostalgie mise en forme avec les moyens photographiques du XXIe siècle.
Né en 1981 à Martigny, formé à l’Ecole d’art du Valais puis à l’école de photo de Vevey, Olivier Lovey s’est intéressé aux sociétés folkloriques de son canton à l’occasion de sa participation à la deuxième édition de l’Enquête photographique valaisanne, en 2013.
C’est ce travail documentaire en plongée profonde dans le passé qui est présenté à Nyon, avec une dizaine de grands formats aux teintes profondes, parfois un peu trop saturées. Tous les protagonistes posent en costume d’époque, velours et dentelles, chapeaux noirs et coiffes blanches. Une mère et sa fille se tiennent devant les vastes vitraux d’une église, des compagnons sont réunis autour d’un tonneau dans l’obscurité d’un caveau, une femme s’intègre avec une perfection géométrique dans l’embrasure de la porte de la vieille abbaye du Châble, un ossuaire se dévoile derrière des rideaux rouges, un artisan se fond dans la lumière poussiéreuse de son atelier. Les portraits en plus gros plan, pris en buste, sont d’une intensité peu commune, révélant une osmose parfaite entre le photographe et ses modèles.
Il y a beaucoup de maîtrise dans cet exercice formel intemporel, qui sublime les clichés sur le Valais traditionaliste. Mais la série est intitulée Heimweh, et non Heimat, révélant un sentiment de malaise par rapport à un passé que l’on sait perdu. Une distance salutaire qui atténue le cantonalisme au profit du sens du transitoire, de l’éloge de la vanité, du rappel que la nostalgie n’est que l’illusion d’une permanence des choses et des êtres. Mais lorsque l’illusion est aussi artistique, autant y goûter sans trop de réserve.
«Heimweh». Olivier Lovey. Galerie Focale, Nyon. Jusqu’au 24 avril 2016.
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