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Pop: et Michael devint le roi

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Jeudi, 25 Février, 2016 - 06:00

Eclairage. Sorti en août 1979, «Off the Wall» est l’album qui a permis au chanteur de s’émanciper des Jackson Five et de s’imposer en solo. Il est réédité dans un coffret proposant un documentaire inédit de Spike Lee.

Lorsque, entre décembre 1978 et juin 1979, il travaille avec Michael Jackson à l’enregistrement d’Off the Wall, le cinquième disque solo du jeune chanteur, alors membre avec quatre de ses cinq frères des Jackson Five, Quincy Jones ne doute pas du succès de son protégé: «Michael sera LA star des années 80 et 90.»

Cette prédiction se vérifiera au-delà de ses espérances: l’album connaîtra un succès retentissant, avec 20 millions de copies écoulées à travers le monde. Ce qui poussera Jackson et Jones à poursuivre leur collaboration avec Thriller – le disque le plus vendu de l’histoire – en 1982, et Bad cinq ans plus tard. Mais Off the Wall reste à part dans la discographie du chanteur disparu en 2009, à l’âge de 50 ans. Car, s’il demeure la madeleine de nombreux fans et critiques, il marque aussi un tournant dans la carrière du chanteur, qui est alors encore intimement lié aux Jackson Five. Ses précédents efforts en solo se sont moins bien vendus que les 33 tours gravés en compagnie de Jermaine, Jackie, Tito et Marlon; et, pour son père Joseph, connu pour avoir dirigé de manière tyrannique le groupe, Michael en solo est moins important que les Jackson Five.

Pour lui, tous ses fils sont des stars. C’est en partie pour lui prouver le contraire que le benjamin de la fratrie se surpassera. «Michael était déjà une star, mais Off the Wall a permis de l’identifier en tant qu’artiste solo; sans ses frères, il s’affirmait comme la vraie force créatrice des Jacksons», explique Olivier Cachin. Et l’auteur de Michael Jackson – Pop Life (Editions Alphée, 2009) d’avouer qu’entre ce disque et Thriller, il lui est difficile de choisir. «C’est un album extrêmement réussi, dont Thriller sera le prolongement plus radical, avec l’apport du rock sur Beat It.»

Des Beatles à James Brown

Près de trente-sept ans après sa sortie, Off the Wall est de retour dans les bacs sous forme d’une édition spéciale proposant en bonus un documentaire de Spike Lee. Après Bad 25 en 2012, le réalisateur, connu pour sa fibre militante, raconte, dans Michael Jackson’s Journey from Motown to Off the Wall, comment The Jackson Five ont été contraints de devenir The Jacksons lorsqu’ils décidèrent de quitter le fameux label soul Motown, et comment celui qui n’était pour beaucoup qu’un enfant-star devint soudainement le King of Pop. Le roi d’une musique ni noire ni blanche, mais à mi-chemin entre deux genres que les journalistes aimaient jusque-là opposer. «C’est le début du chemin de Michael vers une pop music plus universelle, moins cantonnée aux rythmes soul. C’est la jonction entre les Beatles et James Brown, l’alliance de deux sons pour en créer un nouveau, qui a marqué la fin du XXe siècle», explicite Olivier Cachin.

On veut pour preuve de cette jonction les différents compositeurs qui ont travaillé sur le disque. Si Jackson signe trois chansons lui-même, dont Don’t Stop ’Til You Get Enough, un des meilleurs titres de sa carrière, deux autres sont confiées à Paul McCartney et Stevie Wonder. Plusieurs morceaux sont également proposés par Rod Temperton, avec lequel le chanteur avouera s’être livré à une saine compétition. Lorsqu’il entend pour la première fois le futur classique Rock With You, écrit par celui qui est alors membre du groupe disco-funk Heatwave, Jackson est impressionné et décide de retrousser ses manches. «Quand Rod revenait avec une chanson, je lui répondais», commentera-t-il.

Bien sûr, la qualité d’Off the Wall, la profondeur du son et le large spectre d’influences qu’il embrasse doivent beaucoup à celui que tout le monde appelle Q. Mais imposer Quincy Jones aux exécutifs du label Epic, que Jackson avait rencontrés sur le tournage de la comédie musicale The Wiz, ne fut pas aisé. «Quincy Jones est trop jazz», lui rétorquent-ils. Mais il tient tête. «Je me fous de ce que vous pensez, Quincy produit mon disque.» Le producteur relève cette anecdote dans son autobiographie, Quincy par Quincy Jones, traduite en français par Robert Laffont en 2003. Il se souvient d’un jeune homme timide, qu’il confie à un coach vocal lui faisant travailler ses aigus. «Michael avait la sagesse d’un vieillard et l’enthousiasme d’un enfant», se rappelle-t-il. L’alchimie entre les deux hommes sera telle qu’elle aboutira à une trilogie historique qui bousculera profondément les codes de la musique pop.

Un seul Grammy

Avec Off the Wall, Jackson tourne donc le dos aux années Motown et aux Jackson Five, même si c’est avec ses frères qu’il sera en tournée jusqu’en septembre 1980. Comme le souligne le documentaire de Spike Lee, l’album a marqué une époque et suscité la vocation de nombreux musiciens. Jackson ne voulait alors plus être perçu comme un musicien noir, mais comme un chanteur universel. En 2016, c’est un phénomène inverse que l’on observe. Tandis que Beyoncé chante à la mi-temps du Super Bowl, la finale de football américain, accompagnée de danseuses costumées en Black Panthers, Kendrick Lamar monte sur la scène des Grammy Awards en prisonnier enchaîné, avant de briser ses liens pour évoquer ses racines africaines.

Si Michael voulait en quelque sorte gommer son héritage, les chanteurs actuels, au contraire, ne veulent pas oublier d’où ils viennent. «Les époques sont différentes, et c’est parce que Michael a réussi à imposer le crossover entre musique noire et pop blanche que des artistes comme Beyoncé ont pu émerger, analyse Olivier Cachin. Michael lui-même, sur son dernier album, Invicible, revenait à un R&B plus dur.» Seule ombre au tableau, qui irritera Jackson, Off the Wall n’obtiendra en 1980 qu’un seul Grammy Award. «Mais c’est ce qui lui a donné la volonté de se surpasser avec Thriller, album pour lequel il a obtenu tous les Grammys qu’il convoitait.»

«Off the Wall». De Michael Jackson. Coffret CD/DVD ou Blu-ray. Epic/Sony Music. Sortie le 26 février.

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Ebet Roberts
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