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Bouvier & Vernet Chapitre 1

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Jeudi, 14 Novembre, 2013 - 05:55

En 1951, Nicolas Bouvier et Thierry Vernetimpriment, pour financer leur premier voyage en Asie, un portfolio enfin réédité chez Zoé.

 

Que fait-on lorsqu’on a 20 ans à Genève en 1951, du talent pour écrire et pour dessiner, l’envie de voyages lointains mais pas un sou? On prend sa plus belle plume, son plus beau crayon, et l’on édite, sous le titre Douze gravures de Thierry Vernet, Trois textes de Nicolas Bouvier, un portfolio au tirage limité à trente-six exemplaires que l’on fait circuler auprès de ses amis et de sa famille.

C’est ce qu’ont fait les deux futurs bourlingueurs genevois, scellant ainsi leur volonté de départ sur les routes de l’Orient. Ils se sont rencontrés quelques années auparavant au Collège de Genève. «Je me souviendrai toujours du jour de chez PionPion où on nous avait mis au même banc, parce qu’on avait fait les meilleures compositions françaises. Du temps où tu avais des lunettes et où on m’appelait “Farine”», écrit Vernet à Bouvier en 1948. Peu après, Bouvier écrit à son tour à Vernet: «Viendras-tu aux Indes avec moi?» «Et comment que je suis d’accord d’aller aux Indes. Tout de suite si tu veux», rétorque l’autre. Ils partiront deux ans plus tard sur les chemins de l’Asie et de leur légende.

Le talent, déjà. Imprimé à l’origine chez le renommé Albert Kundig à Genève et livré dans un classeur toilé de grande qualité, Douze gravures de Thierry Vernet, Trois textes de Nicolas Bouvier est un objet artistique émouvant et poétique, auquel le beau livre de petit format choisi pour cette ré-édition par les Editions Zoé rend un bel hommage. Le talent de Vernet, qui vient alors de passer de longs mois à Paris à se former en tant que peintre et graveur et reçoit déjà des commandes pour des décors de théâtre ou la fresque d’une chapelle, éclate au grand jour. En quelques traits, il pose une silhouette, des regards, un paysage à l’intensité unique, au caractère singulier. Bouvier, en pleines études de lettres et de droit, a publié des reportages de voyage sur la Laponie dans la Tribune de Genève mais rien de littéraire ou de fictionnel encore. Les trois textes publiés ici sont ainsi ses toutes premières créations personnelles. Tous les coqs du matin chantaient, le poème qui donne son nom au recueil, annonce la joie acidulée qui traversera l’œuvre à venir. Les deux autres textes courts, sans titre, tiennent de la fable métaphysique: un homme agonisant voit dans son délire son singe apprivoisé se transformer en un humain, tandis que le gouverneur d’une cité imaginaire en ruine, prisonnier de son palais, rêve, et renonce à la fois, d’échapper à son destin.

«Ce qui en fait un objet émouvant, c’est qu’il est la genèse de leur grande aventure dans la création et le voyage», raconte Marlyse Pietri, qui a édité le livre avec Eliane Bouvier. «Nicolas Bouvier et Thierry Vernet osent apparaître sur la scène genevoise, démarcher ceux qui peuvent leur acheter le portfolio en vue de faciliter leur projet: partir. C’est le début d’un long, très long voyage et le sceau d’une amitié qui va durer toute leur vie. Entre rire et larmes, les textes de Bouvier sont déjà comme un conte sur son univers précis, magique et noir. Les gravures de Vernet révèlent son goût inlassable de l’expérimentation technique et sa grande curiosité des personnages.» Vernet est mort en 1993, il avait 66 ans. Bouvier l’a suivi en 1998. Il avait 69 ans.

«Tous les coqs du matin chantaient».
De Nicolas Bouvier et Thierry Vernet. Zoé, 46 p.

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