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«La vache», le film antidote à la France des attentats

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Jeudi, 11 Février, 2016 - 05:58

Antoine Menusier

Zoom. La comédie réalisée par le Franco-Algérien Mohamed Hamidi est une déclaration d’humanité dans un moment de grande dépression identitaire.

«Plus on va dans la France profonde, plus l’accueil est bon», se félicite Mohamed Hamidi, le réalisateur franco-algérien en pleine promo de La vache, un road movie agricole qui sort sur les écrans le 17 février, en Suisse romande aussi. Par les mauvais temps qui courent, un futur plébiscite en salle? Ce film met du baume sur les plaies d’une France en alerte identitaire permanente, meurtrie par les attentats djihadistes de 2015. Rien de prémédité: les premières lignes du scénario remontent à quatre ans, autrement dit avant Charlie et le Bataclan, mais, à l’époque déjà, cela n’allait pas très fort dans l’Hexagone.

Mohamed Hamidi, qui avait repris en mars 2006 les rênes du Bondy Blog créé par L’Hebdo cinq mois plus tôt, lors des émeutes des banlieues, en était naturellement conscient. Cet ancien professeur agrégé d’économie et de gestion, quinze ans de métier dans des lycées de Seine-Saint-Denis, son département de naissance en 1972, venait alors de réaliser Né quelque part. Ce premier long métrage posait les pieds avec tact dans le plat identitaire. En l’occurrence un plat franco-algérien, l’un des plus pimentés qui soient.

Avec La vache, une comédie, le spectateur se repose l’esprit et le gosier en buvant du bon lait de tarentaise. Fatah (l’acteur Fatsah Bouyahmed) est un petit paysan quadragénaire habitant un village d’Algérie. Son rêve est d’emmener Jacqueline, sa vache française, concourir au Salon de l’agriculture de Paris. Il en a fait la demande de nombreuses fois.

Un jour lui parvient de Paris la réponse qu’il attendait tant. C’est oui. S’ensuit toute une aventure pour Fatah: traversée de la Méditerranée et remontée de la France de Marseille à Paris, à pied, accompagné de la belle Jacqueline. Dans la cité phocéenne, le fraîchement débarqué du bateau rencontre Hassan (Jamel Debbouze), le cousin de sa femme, un peu hautain et un peu honteux. Puis il fait la connaissance de Philippe (Lambert Wilson), un noble désargenté de la France rurale. Un scénario bâti sur des situations improbables, écrit avec la collaboration d’Alain-Michel Blanc (scénariste de Va, vis et deviens), le complice, déjà, de Mohamed Hamidi pour Né quelque part.

«On avait d’abord mis des personnages racistes dans l’histoire, pour la rendre plus conforme à l’idée qu’on se fait de la France d’aujourd’hui, mais on ne les a pas gardés, on n’avait pas envie de ça, explique le réalisateur. Il y a un aspect conte, c’est plutôt une France telle qu’on l’aimerait. Cette gentillesse des personnages, cette bienveillance entre eux, c’est voulu.»

Pourtant, au début du film, ce n’est pas gagné, le Marseillais Hassan est du genre «petit filou» et Philippe, le noble en galère, n’a de temps pour personne. C’est Fatah le vacher algérien qui, par son humanité, «révélera ce qu’ils ont de meilleur en eux». Mais lui et sa vache parviendront-ils à rejoindre Paris? On se doute de la réponse. Une réplique s’annonce culte, à découvrir… A la fois l’on rit et pleure à ces images réconfortantes et portant en elles la réconciliation, quand le réel nous indique tout le contraire.

Hymne à la biculture heureuse ainsi qu’à l’enracinement ouvert sur l’autre, La vache (clin d’œil à La vache et le prisonnier d’Henri Verneuil avec Fernandel) sort au grand jour alors que le Parlement français débat ou aura fini de débattre de l’inscription dans la Constitution de la déchéance de la nationalité, qui vaut essentiellement pour les binationaux. «Je n’aurais jamais pensé qu’un gouvernement socialiste adopterait une telle mesure, réagit Mohamed Hamidi. Bien sûr, c’est symbolique, mais justement, pour beaucoup cela veut dire que les binationaux ne sont pas vraiment considérés comme des Français à part entière.»

Projeté en avant-première à Chollet, Tours, Evreux, Troyes, entre autres villes, dans cette «France profonde» qu’on dit repliée sur elle-même, La vache a recueilli partout les faveurs du public venu le voir, assure le metteur en scène. En janvier au Festival du film de comédie de l’Alpe d’Huez, il a quasiment reçu tous les prix: la plus haute distinction décernée par le jury, celle du public et celle récompensant le meilleur acteur, décernée à Fatsah Bouyahmed, un «inconnu» né à Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis.

«La vache». De Mohamed Hamidi. Avec Fatsah Bouyahmed, Jamel Debbouze et Lambert Wilson. Musique d’Ibrahim Maalouf.
Sortie le 17 février. 1 h 31.

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Jean-Claude Lother
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