Il s'agit du plus important mouvement artistique international né en Suisse. Dada voit le jour il y a cent ans à Zurich, avec l'ouverture du fameux Cabaret Voltaire le 5 février 1916. Son influence s'étend jusqu'à nos jours.
"gadji beri bimba glandridi laula lonni cadori": Des poèmes saugrenus comme celui-ci, Hugo Ball, co-fondateur du Cabaret Voltaire, les déclame devant le public en tant qu'"évêque magique". Il porte une cape rigide et, sur la tête, un cylindre chamanique.
Aussi insolite que l'image puisse paraître, elle résume parfaitement l'esprit du mouvement Dada. Le courant veut faire table rase de toutes les conventions, brise les formats et est interdisciplinaire, avec des performances, de la poésie mais aussi de la musique et des beaux-arts.
"Jamais encore la perméabilité entre les disciplines artistiques n'avait pris une telle ampleur", explique à l'ats Cathérine Hug, commissaire au Kunsthaus de Zurich et co-organisatrice de l'exposition "Dadaglobe Reconstructed". Le mouvement Dada est formé "d'une communauté d'intellectuels et d'artistes d'horizons très différents".
Autour d'Hugo Ball se trouvent Emmy Hennings, Tristan Tzara, Jean Arp, Marcel Janco, Sophie Taeuber et Richard Huelsenbeck. Ils sont venus à Zurich, en quête d'un lieu sûr, alors que la Première Guerre mondiale fait rage en Europe. Certains ont été témoins de l'agonie sur les champs de bataille.
Ce qui les lie, c'est qu'ils sont contre la guerre et les nationalismes. "C'est la première fois que la critique envers les autorités est aussi forte dans le monde de l'art à un niveau international", souligne Cathérine Hug.
Le Cabaret Voltaire ferme ses portes après cinq mois seulement. Les soirées dada se poursuivent encore jusqu'en 1919 dans d'autres salles, au travers d'expositions, l'ouverture d'une galerie et la publication de magazines et de manifestes.
Après la guerre, les dadaïstes quittent Zurich. Ils partent notamment pour Berlin, Hannovre, Cologne ou Paris. Leur mouvement prend également pied à New York où ses principaux représentants sont Marcel Duchamp, Francis Picabia et Man Ray.
La Suisse romande, et Genève particulièrement, n'est pas en reste. Les artistes Walter Serner et Christian Schad mais aussi Francis Picabia et Alice Bailly ont rendu la scène genevoise très dadaïste, précise Cathérine Hug.
A la base même de leur existence, la provocation et le refus des codes mettent un terme au mouvement à cause de disputes internes. Même s'il n'y a pas de fin officielle, les historiens la situent en 1922.
Que reste-t-il de Dada aujourd'hui? Pour Cathérine Hug, le mouvement a permis de trouver de nouveaux canaux de transmission artistique.
Les dadaïstes ne passaient plus par les musées et les galeries, mais ont créé leurs propres circuits de distribution avec notamment des magazines édités par les artistes. Ils géraient aussi eux-mêmes les lieux dans lesquels ils travaillaient, comme le Cabaret Voltaire.
Ce dernier, longtemps tombé dans l'oubli, abrite aujourd'hui un centre Dada, inauguré en 2004 grâce à l'aide de la ville de Zurich. Il est au centre des festivités du centenaire du mouvement.
Reconnaissant l'importance et le rayonnement international du dadaïsme, les autorités zurichoises (ville et canton) et fédérales soutiennent le centenaire. Plus de 40 institutions, musées, théâtres, festivals en Suisse et à l'étranger vont marquer le coup.