Seba Kurtis est né Buenos Aires en 1974. Au début des années 2000, la crise économique qui affaiblit son pays le contraint à l’exil en Espagne, où il travaille d’abord au noir sur des chantiers. Sa mère le rejoint, apportant avec elle le seul objet sauvé des saisies judiciaires qui ont frappé la maison des Kurtis. Une boîte à chaussures protégeant des photos et films super-8 de la famille. Mais les images ont souffert d’une inondation survenue dans la maison. Les tirages et pellicules sont tavelés par l’humidité.
Devenu photographe, Seba Kurtis va mettre en abyme ce processus de dégradation, métaphore de l’exil. Avec tout ce que ce genre de périple contraint recèle de danger, de hasard, de perte d’identité. Il photographie à la chambre 4 x 5 les côtes espagnoles où arrivent les clandestins en provenance d’Afrique. Puis Seba Kurtis immerge les films non développés dans l’eau de mer, les abîmant intentionnellement.
Sur les côtes normandes, il prend les portraits de réfugiés qui s’étaient cachés dans la cargaison de talc d’un camion, cachant leurs visages avec des fragments du minéral blanc. Aux douanes britanniques, il rejoue le long scannage des véhicules suspects par de très longues poses de migrants, au point de faire presque disparaître les silhouettes humaines sur les négatifs.
Cette série d’images corrodées compose un saisissant récit de perte, d’épreuve, de blessure et de confusion. Elle raconte une histoire actuelle, en connaissance de cause. Avec la pertinence et le sens qui se dégagent des démarches réfléchies. Loin du maniérisme esthétique qui – autre dégradation – s’affiche trop souvent dans les galeries et musées de la photo contemporaine.
Vevey, Espace Quai 1. Jusqu’au 27 février