La nuit, dans la ville,«les postes de télé respirent en souffles profonds et bleus».
Le poète Thilo Krause, Prix fédéral de littérature 2012, nous invite à ceci: regarder, percevoir ce qui nous entoure. La pluie qui perle sur les carreaux, l’odeur des citrons… Ou la voracité des guêpes creusant des pommes tombées à terre, «se frayant le chemin vers l’intérieur / dans l’obscurité où la petite bande de pépins se tasse / et attend la lumière». Et si c’était cela qui comptait? Pas les grandes actions de nos vies, mais les détails, les menus objets qui nous entourent, nos gestes machinaux et quotidiens. Ce tas de feuilles mortes que l’on voit de la fenêtre de la cuisine, dans la cour. Thilo Krause écrit cette ligne de basse continue: le bruit de notre vie en train de passer. Cela même que nous ne pouvons plus entendre, notre attention sans cesse fragmentée, accaparée et désincarnée. Pour cela, il suffit de faire silence, d’avoir «une oreille attentive», «un regard assez coriace» et de l’oisiveté.
Il n’y a pas de rhétorique ni d’explications dans les pages d’Et c’est tout ce qu’il faut. Tout objet devient reflet de celui qui le regarde. Ainsi le nid d’un oiseau inspire ces mots au poète: «Un nid fait de côtes, un cœur / que je couve. Combien de temps?» Né à Dresde en 1977, Thilo Krause vit à Zurich. Il est ingénieur, chercheur à l’Ecole polytechnique fédérale, et considéré comme un poète marquant de la nouvelle génération. Son recueil est publié en version bilingue par le Centre de traduction littéraire de Lausanne et le Service de presse suisse. On se sent bien, on est chez soi dans cette précieuse maison de mots. Simple et essentiel.
«Und das ist alles genug – Et c’est tout ce qu’il faut». De Thilo Krause. Traduit de l’allemand par Eva Antonnikov. Editions d’En Bas, 162 p.