C’est le musée lausannois le plus extraordinaire et il va sur ses 40 ans. L’exposition actuelle propose d’ailleurs un retour aux fondamentaux en déployant notamment les œuvres d’Aloïse, d’Adolf Wölfli, d’Augustin Lesage, de Guillaume Pujolle ou de Raphaël Lonné. Des créateurs présents depuis les premières heures dans la Collection de l’art brut et dont la force expressive est restée inégalée. Le thème choisi, l’architecture, sonne également le rappel de l’originalité radicale de ces artistes, démiurges de leurs propres mondes. Ces constructeurs de formes – les plus authentiques d’entre eux – procédaient et procèdent quelquefois encore par répétition, accumulation, symétrie ou asymétrie, saturation de l’espace qui leur était donné, en deux ou trois dimensions. Le tout selon des principes premiers qui structuraient leurs cosmogonies, comme bien avant eux Héraclite pensait que le feu expliquait la formation du monde, alors que Thalès croyait que l’eau était la source de toute chose.
Le bâti est ainsi un thème idéal pour éclairer de nouveau l’identité propre de l’art brut, quatre décennies après l’ouverture de l’étrange collection de l’avenue des Bergières, sous l’œil de Jean Dubuffet. Puisant dans ses propres collections, si riches, le musée montre plus de 200 dessins, peintures, sculptures, textiles ou photographies de constructions fameuses comme le Palais idéal du Facteur Cheval. Les maisons, immeubles, tours, ponts et villes entières sont inspirés de la réalité ou jaillissent de l’imagination des artistes solitaires. La géométrie, la perspective, la coupe ou l’élévation sont tordues au profit de l’expressivité maximale. Ce sont des ensembles qui prolifèrent, souvent monumentaux, totalement obsessionnels. Une manière d’en revenir à l’étymologie d’«architecte», un constructeur qui agit de sa propre initiative.
«Architectures». Lausanne, Collection de l’art brut. Jusqu’au 17 avril 2016.
