«Boomerang». Alors que sort un long métrage maladroit tiré de son neuvième roman, la romancière se pose en grande pourvoyeuse de scénarios puisque trois autres de ses livres vont devenir films.
Efficace. C’est probablement l’adjectif que l’on retiendrait si l’on devait résumer l’écriture de Tatiana de Rosnay en un mot. Car la romancière française s’y connaît lorsqu’il s’agit de tenir le lecteur en haleine, de tresser un récit tout en circonvolutions autour d’un motif central riche en rebondissements, et qui souvent dans son œuvre prend la forme d’un secret de famille.
C’est le cas dans Boomerang, un roman publié en 2009 chez Héloïse d’Ormesson et racontant, pour faire court, l’histoire d’un fils persuadé que la mort de sa mère il y a trente ans, et qu’aussi bien son père que sa grand-mère refusent d’évoquer, est plus compliquée que ce qu’on lui a dit. Une histoire qui prend aujourd’hui vie sur grand écran à la faveur d’une adaptation réalisée par François Favrat. On passera outre les différences qui existent forcément entre le livre et le film, parce que adapter, c’est trahir, dit-on souvent, pour souligner qu’il n’est donc guère étonnant que Boomerang ait attiré l’attention du réalisateur et de ses producteurs.
Actrice pour Frédéric Mermoud
Il y a des livres plus difficiles à transposer à l’écran que d’autres. Ceux de Tatiana de Rosnay, avec ses personnages typés et portés par une écriture très visuelle, dans le sens où les mots servent avant tout à faire avancer le récit, sont des scripts en puissance, comme ceux de Michael Crichton ou Boileau-Narcejac. Il n’est ainsi pas étonnant d’apprendre que l’auteure que la Française revendique comme une influence majeure est Daphné Du Maurier (1907-1989), à laquelle elle vient d’ailleurs de consacrer une biographie à la fois romancée et extrêmement bien documentée, Manderley For Ever. Adaptée à trois reprises par le maître Hitchcock, la Londonienne possédait un sens de la narration, du suspense et du thriller psychologique qui a clairement inspiré Tatiana de Rosnay.
Ecrivant aussi bien en français qu’en anglais – son grand-père maternel, Gladwyn Jebb, fut secrétaire général de l’ONU au milieu des années 50 –, l’ancienne journaliste a de son côté été adaptée pour la première fois en 2010, lorsque, après être passé entre les mains de son confrère Serge Joncour, Elle s’appelait Sarah est devenu un film de Gilles Paquet-Brenner. Et à l’heure où Boomerang entame sa carrière, pas moins de trois autres de ses romans sont en cours d’adaptation: Le voisin, Spirales et Moka, ce dernier ayant été pris en main par le Valaisan Frédéric Mermoud. Le tournage vient de démarrer et se déroule jusqu’à fin octobre sur les rives suisses et françaises du Léman. Tatiana de Rosnay y fera même une apparition puisque le réalisateur lui a spécialement écrit un petit rôle.
Minimiser les risques
Si la romancière suscite tant d’intérêt, c’est, on l’a dit, pour l’efficacité de son style. Mais aussi parce qu’elle fait partie du cercle fermé des grands vendeurs dans un secteur, le livre, où les gros tirages ne sont pas légion. Un moyen de minimiser les risques pour un autre secteur, le film, où les titres franchement rentables ne sont pas la norme. Alors forcément, lorsqu’on adapte un auteur à succès, il y a au-delà de ses qualités de storyteller, l’espoir de transformer des millions de lecteurs en spectateurs.
Reste encore cette question: le résultat est-il à la hauteur des attentes? Dans le cas de Boomerang, on est contraint de répondre par la négative. Le film est trop maladroit dans ses enchaînements pour réellement captiver, tout est trop appuyé, de même que l’alchimie entre les acteurs ne prend pas. Du coup, on n’y croit pas.
«Boomerang». De François Favrat. Avec Laurent Lafitte, Mélanie Laurent et Audrey Dana. France, 1 h 41.