Le cinéma éthiopien est en train de devenir l’un des plus importants du continent africain. Sur le modèle de Nollywood, nom donné à l’industrie nigériane, la capitale Addis-Abeba voit les tournages se multiplier. Avec cette particularité que les films produits sont avant tout destinés au marché domestique. Pourtant, en parallèle à ce cinéma d’exploitation, à ces petites productions destinées à un public local trop longtemps négligé, des films artistiquement plus ambitieux commencent à partir à l’assaut des grands festivals.
C’est ainsi que, quelques mois après Difret, de Zeresenay Mehari, primé l’an dernier à Berlin et ensuite projeté dans une multitude de festivals à travers le monde, dont celui de Locarno, nous arrive Lamb, un premier long métrage sélectionné en mai dernier à Cannes dans la section Un certain regard. Là où Difret s’inspirait d’une histoire vraie pour dénoncer une coutume ancestrale voulant qu’un homme kidnappe et viole la fille qu’il souhaite épouser, il prend la forme d’une fable. On y découvre Ephraïm, un jeune garçon qui ne quitte jamais une brebis, qu’il promène comme un chien et qu’il a baptisée Chuni. Sa mère est morte, victime de la sécheresse et, obligé d’aller chercher du travail en ville, son père le confie à un cousin. Lequel, la Fête de la croix approchant, va rapidement lui signifier que Chuni fera un succulent repas. Ephraïm va dès lors tout entreprendre pour la soustraire au barbecue, tout en se mettant en tête de gagner l’argent nécessaire à son retour chez lui.
D’un récit extrêmement ténu mais maîtrisé, Yared Zeleke tire un film lent et allusif qui lui permet d’évoquer en sous-texte la situation économique et sociale de son pays, de pointer notamment un fonctionnement encore lourdement patriarcal. Malgré ce beau personnage qu’est Ephraïm, silhouette frêle et regard trahissant son incompréhension du monde des adultes, Lamb ne convainc pas totalement. Certes minime, cette déception s’explique par le sentiment d’avoir déjà vu ce film cent fois. Le cinéaste, qui a, comme Mehari, étudié aux Etats-Unis et sait par exemple comment surligner une émotion avec la musique ou passer d’un plan d’ensemble à un gros plan, ne parvient pas à éviter totalement l’écueil de la belle fable africaine, comme le continent noir nous en a souvent proposé. Est-ce parce que ce projet a bénéficié de l’aide de plusieurs fonds européens qu’il donne parfois l’impression de trop prendre en compte les attentes du public occidental? Peut-être. On préfère néanmoins retenir son attachante fragilité.
«Lamb». De Yared Zeleke. Avec Rediat Amare, Kidist Siyum et Welela Assefa. Ethiopie/France/Allemagne/Norvège, 1 h 34.
Clik here to view.
