Lorsque, le 2 septembre au soir, a surgi sur l’écran géant la terrible photo du petit Aylan, 3 ans, échoué sans vie sur une plage turque, le vaste public n’a pas bronché. Visa pour l’image, le festival international de photojournalisme de Perpignan, remplissait son devoir. Montrer le monde comme il ne va pas, pour rappeler que le photoreportage sert à quelque chose plutôt qu’à rien. Malgré la précarité croissante de leur profession, les vigies de l’actualité restent plus que jamais indispensables à notre bonne information. Le public, sevré de grands reportages photographiques, ne s’y trompe pas. Dès l’ouverture du festival 2015, il se pressait dans la trentaine d’expositions proposées. A leur fermeture, trois semaines plus tard, comme d’habitude plus de 200 000 personnes auront à coup sûr fréquenté les lieux. C’est deux fois plus que la moyenne des Rencontres d’Arles, l’autre grand rendez-vous français de la photo, d’une durée de trois mois. Mais celui-ci ne s’encombre pas du journalisme visuel.
Or, les photographes les plus nécessaires ne sont pas des artistes. Ces éclaireurs vont là où les autres – nous tous – ne vont pas. Comme, cette année, à Visa pour l’image, Daniel Berehulak, qui a couvert pour le New York Times l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest, livrant un époustouflant reportage, aussi documenté que maîtrisé. Ou la tête brûlée Bülent Kiliç, de l’AFP, qui dans les chaos de Kiev ou de Kobané pousse à bout le don d’être au bon moment, au bon endroit, à la bonne distance.
La violence du monde aujourd’hui, c’est aussi les Espagnols les plus démunis expulsés de force de leur logement, petites crises dans la grande crise documentées avec tant de justesse par Andres Kudacki. C’est enfin – le moment le plus poignant du festival – l’agonie des parents de la photographe Nancy Borowick, tous deux atteints de cancers incurables et qui s’éteignent devant leur fille. C’est si bouleversant que l’on ne sait plus, devant ou derrière l’objectif, qui fait preuve de plus de dignité, de force et d’amour
«Visa pour l’image». Perpignan.Jusqu’au 13 septembre.