L’hybridation, l’inflexion, cette année l’adaptation: chaque année, le festival des Journées photographiques de Bienne choisit un thème large qui permet de rendre compte de la marche rapide du monde et du changement tout aussi véloce de la photographie. Les options esthétiques restent fidèles à une ligne froide, conceptuelle, posée, artistique-documentaire. Avec toujours, dans le mix, l’utilisation d’images trouvées sur l’internet, l’anarchie du développement urbain, les menaces techno-scientistes et quelques vidéos ou installations pour suggérer que la photographie, c’est désormais la post-photographie.
Le festival renforce cette année son regard sur la scène émergente, les jeunes talents qui interrogent à la fois leur environnement et leur moyen d’expression. Une bonne part du programme (une vingtaine d’expositions) est logée au CentrePasquArt, avec en complément l’habituel parcours en vieille ville, ainsi que deux nouveaux lieux, dont un parking qui surplombe Bienne. Attention: l’itinéraire n’est pas bien fléché et il faut faire preuve d’adaptation – le thème de cette 19e édition – pour trouver son chemin. Comme l’an dernier, des casques audio disposés dans les expositions permettent d’écouter les artistes expliquer leurs démarches ou des textes lus par les étudiants de l’Institut littéraire suisse de Bienne.
Après cette introduction elle-même posée et un peu froide, soyons juste: pris dans son ensemble, le parcours est de qualité. Grâce à des étapes fortes comme les portraits d’habitants du Lesotho pris en pleine nature étrange par Joël Tettamanti. Doublant son propos par des vidéos en plan fixe, le photographe romand décrit la disparition programmée d’une tenue typique de ce royaume sud-africain. Le Suédois David Magnusson livre d’autres portraits fascinants: des pères américains posant avec leurs jeunes filles, qui toutes ont fait vœu de chasteté avant le mariage dans leurs communautés religieuses.
Le photographe de Singapour Robert Zhao Renhui dresse la liste inquiétante des aliments ou animaux domestiques qui sont modifiés par la main de l’homme pour être plus beaux ou plus durables. Et l’on se dit que tout est encore possible dans la photographie grâce aux coups de puissants flashs de Yoshinori Mizutani. Le jeune Japonais s’est intéressé à son monde proche, Tokyo, zébré par les couleurs vives de perruches sauvages; le merveilleux, le surprenant, l’audace esthétique sur le pas de sa porte: l’essence même de la photo. A ne pas manquer non plus: le vertigineux contraste entre les bidonvilles et gratte-ciel de Bombay, par Alicja Dobrucka (Pologne). Et enfin, dans le même registre visuel, les constructions illégales sur les toits de Hong Kong par le Jurassien Pierre Montavon.
Journées photographiques de Bienne. Jusqu’au 20 septembre.