OUI
Séverine Saas
Cher Robin Thicke, dissipons tout de suite le doute: j’adore Blurred Lines, son rythme à se démettre une hanche, votre voix adamantine, sans oublier celle de Pharrell Williams. Mais l’autre soir, alors que je me trémoussais sur votre joyeuse ritournelle, j’ai attentivement écouté vos paroles. Et franchement, ça craint. Passe encore le refrain «Je sais que tu le veux… tu es une bonne fille». Par contre, je me demande quelle mouche vous a piqué le jour où vous avez écrit «Tu es un animal, bébé, c’est dans ta nature» et, surtout, «Je vais te donner quelque chose d’assez gros pour te déchirer le cul en deux».
A celles qui vous accusent de machisme, voire d’incitation au viol, vous répondez que vous avez toujours respecté les femmes, que tout cela n’est qu’une farce et que vous avez voulu transgresser les tabous de l’ordre établi. Sauf que vous n’êtes, je le crains, pas assez futé pour cela. En exhibant une brochette de nymphettes dénudées dans votre clip, en proclamant, pour rire, que vous connaissez les fantasmes féminins – à savoir se faire prendre –, vous ne transgressez rien du tout. Vous ne faites que brasser des clichés usés jusqu’à la corde par 50 Cent, Snoop Dogg et autres rappeurs dégingandés qui, eux, assument. Quel ennui.
Si vous vouliez nous faire rire, si vous vouliez tant jouer au rebelle, il fallait vous mettre à poil avec vos mannequins. Il fallait nous le montrer, ce gros membre dont vous êtes si fier. Mais non. Vous avez opté pour la facilité: la misogynie déguisée en blague factice. Tout cela, sans doute, pour provoquer la polémique et vous faire du fric. En plus, vous avez demandé la permission à votre femme avant de tourner votre clip. Robin, on est un vrai mec ou on ne l’est pas. Choisissez votre camp et arrêtez de «brouiller les lignes».
Sortez-moi votre petit machin.
NON
Christophe Passer
Hé les filles, imaginez un type durant une trop cool et trop dance soirée d’été 2013. Il s’approche mollement alors que vous chaloupez en exsudant la séduction, érotique moiteur, et il couine tristement: «Désolé, j’en ai une toute petite. Et je sais bien que vous ne voudrez jamais coucher avec moi.» Vous trouvez que ça donne envie? Eh bien, Robin Thicke fait le contraire et c’est bien mieux.
D’accord, l’exemple est un peu outré, c’est exprès. Mais il s’agit, sisters, de remettre deux ou trois choses en place pour causer de Robin le Lubrique et de son Blurred Lines magnifié par Pharrell Get Lucky Williams (c’est son été, à celui-là).
Primo, depuis la nuit des temps, la danse n’a jamais servi à autre chose qu’à draguer et à emmener les filles au lit. C’est le but. Symbolique souvent, menuet et slow collé serré autrefois, mousse party sous ecsta si ça vous chante. Mais quand filles et garçons se mettent dans la même pièce, agitent leurs jeunes hanches en rythme, il n’y a pas besoin de connaître Freud pour piger la métaphore. Imaginez ce qu’Elvis le Pelvis, censuré en 1956 sur la télé américaine, penserait de cette histoire débile: rien n’a changé et oui, YouTube est une officine aussi coincée des fesses que les postes en noir et blanc de l’époque Eisenhower.
Deuzio, la musique. La dance music noire a deux voies (voix?) principales. Si l’on y cause de Dieu et de l’Amour, c’est de la soul. Si l’on y évoque le cul et la baise, c’est du R’n’B. Thicke fait du R’n’B, et il ajoute l’humour du second degré, une façon de «bitch attitude» qui est le contraire même du sexisme: un féminisme topless, moderne, sexy et drôle, quasi Femen. Alors danse avec Robin, sale gamine.


