Avec «Les perroquets de la place d’Arezzo», Eric-Emmanuel Schmittsigne une fantaisie ludique autour du désir et de ses déclinaisons. Surprenant et réussi.
Au petit jeu de qui aime qui, Eric-Emmanuel Schmitt est très fort. Dans son nouveau roman, Les perroquets de la place d’Arezzo, il envoie une lettre anonyme, la même à chacun, aux habitants de ladite place de ce quartier élégant de Bruxelles. La lettre dit: «Ce mot simplement pour te signaler que je t’aime. Signé: tu sais qui.» L’idée, géniale, permet à l’auteur de déstabiliser l’équilibre fragile des couples, officiels ou non, dont l’un des partenaires reçoit la lettre, et de mettre au jour les relations sentimentales et érotiques complexes qui lient tout ce petit monde. Car chacun interprète la missive différemment, selon ses désirs, névroses et angoisses, et se trompe évidemment sur toute la ligne, créant au mieux d’amusants quiproquos, au pire des drames sordides: François-Xavier de Couvigny imagine que seule sa douce épouse a pu lui glisser le mot, Albane l’adolescente est ravie que le garçon qu’elle convoite se déclare, le haut fonctionnaire libidineux Zachary Bidermann (clone de DSK) est déjà prêt à se fâcher contre l’une de ses maîtresses pour ce geste idiot.
Saisissant ce prétexte pour pénétrer dans les alcôves de l’intimité, Schmitt décline avec une maestria qui donne parfois le tournis les mille et une manières que nos contemporains ont de vivre – ou de fuir – leurs désirs. Entre le conte philosophique appliqué à la sexualité et la comédie pipelette urbaine, libertin et libertaire, Les perroquets prouve surtout à quel point l’on se trompe sur la vie intime et les rêves secrets des autres, voisin ou conjoint, et que même l’amour n’est pas toujours le bienvenu. Il n’y a que chez les perroquets que l’on a trouvé des inséparables.
E.-E. Schmitt sera au Livre sur les quais à Morges (6-8.9). Lecture le 6 à 18 h 30, entretien le 7 à 13 h, débat le 7 à 15 h, rencontre le 8 à 10 h 30, film le 8 à 16 h. www.lelivresurlesquais.ch
«Les perroquets de la place d’Arezzo». D’Eric-Emmanuel Schmitt. Albin Michel, 730 p.